Anna avait sept ans quand le mur de Berlin est tombé. Elle vivait avec sa famille à Fürstenwalde, une petite ville d'Allemagne de l'Est. Grandir en RDA comme Anna, cela voulait dire jouer avec la même peluche Pittiplatsch que ses copains, se régaler de saucisses en bocal d'Halberstadt, faire des heures de queue pour avoir un kilo de bananes et s'extasier devant une voiture Trabant qui brinquebale ; c'était aussi rêver de porter le foulard bleu des jeunes pionniers et surtout apprendre à apprécier l'ordre et les limites à ne pas dépasser…De ses premières années à l'Est, Anna a gardé des sentiments mêlés, un «musée d'enfance » en désordre qu'elle nous propose de visiter.
- Ecoles des Loisirs - Medium -
Ce livre, s'il est considéré comme un roman n'est pas réellement une fiction, c'est un témoignage, c'est la voix d'une amie allemande dont les souvenirs ont inspiré les mots de Audren.
Sur seize courts chapitres, c'est la chronique au quotidien des premières années vécues en Allemagne de l'Est; la chronique d'une petite fille qui ne comprendra que plus tard le système dans lequel elle a été élevée jusqu'à ses sept ans, les silences de sa mère - " J'apprenais tant de choses qu'elle n'avait pas pu me dire avant. A cause de la peur. Cette peur que je ne connaissais pas. " - ce que signifie régime socialiste, liberté et endoctrinement; elle ne raconte pas une souffrance.
" Mon enfance n'était pas moche. Je ne veux pas l'oublier... mais je voudrais me souvenir d'autres choses que de ces images communes à tous les petits de l'Est. Je ne peux pas. Le communisme, c'est peut-être ça aussi. La mise en commun de tous nos biens... "
Audren parvient parfaitement à rendre le goût doux-amer de ces souvenirs sans conscience politique. Les réflexions émaillent le récit avec un sens de la formule qui respecte le regard d'enfant et les considérations adultes, livrant une mise en perspective à la fois personnelle et historique remarquable, une forme " d'Ostalgie " peut-être, cette nostalgie de l'Est, comme la question est posée dans le premier chapitre, dans le dernier chapitre :
" J'avais laissé quelque chose à l'Est mais je n'arrive pas à déterminer ce qui me manquait, ce qui me manque encore... Peut-être était-ce juste l'enfance ? "
Ce récit relate concrètement - des instantanés, des polaroïds - la vie que menaient les Allemands de l'Est, l'organisation économique, la surveillance mais aussi la prise en charge totale, le pays satellite soviétique, les sélections d'enfants à peine scolarisés pour les compétitions, l'émulation, le rejet de la religion, la pensée unique...
" Dans notre pays, toutes les structures étaient reliées entre elles puisqu'une unique solution de vie nous était offerte, un seul moule dans lequel nous devions tous nous fondre. Chaque institution présente pour l'apparent confort du citoyen est-allemand était en fait l'un des tentacules de la pieuvre géante qui régissait nos vies. Pourtant, il ne m'a jamais semblé vivre sous la pression ou l'autorité du gouvernement. Les enfants s'adaptent à ce qu'on leur offre... et la plupart des adultes de RDA se comportaient de la même façon car l'Etat ne les a jamais laissés grandir. "
Il ne présente pas le contexte historique de la construction du Mur de Berlin ou celui de sa destruction. En revanche, y est précisé le vocabulaire rattaché ( Stasi, Mur de la honte... ), citées et traduites des expressions et la chanson " des jeunes pionniers ", puis raconté comment cette famille a vécu sa chute du Mur, le premier séjour à l'Ouest, l'étourdissement, l'espoir et la peur, les bonnes et les mauvaises surprises.
- Le billet de Cathulu ICI -
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