Il me semble bien évident que le coup de filet dans la mouvance islamiste réputée radicale, à savoir l’interpellation vendredi des supposés terroriste du mouvement Forsane Alizza (Flash-Actus Le Figaro (30 mars 2012) est une opération purement électoraliste, destinée à conforter Nicolas Sarkozy dans son rôle de président de la République protecteur des Français. A lire la presse, je ne pense pas que ce fût une vue de l’esprit, sinon amplement partagée par les partis de l’opposition et nombre d’éditorialistes de la presse Islam radical : "coup de filet" ou "coup de pub ?" (TF1 31 mars 2012).
Voilà de quoi encore améliorer les relations de Nicolas Sarkozy avec les journalistes ! A cet égard, je ne peux que vous conseiller la lecture d’un article fort édifiant de Laurent Neumann « Comment Sarkozy bastonne les journalistes » à lire dans Marianne (n° 779 du 24 au 30 mars 2012). Un véritable déversement de bile noire ! Sans doute ne le sait-il pas - il n’aime que la campagne aseptisée - mais le meilleur moyen de totalement gâter un poulet lorsqu’on le vide est de percer la poche à fiel (la vésicule biliaire pour nous).
Il y a en effet bien de quoi tomber à la r’bidaine en lisant cette stupéfiante déclaration : « Vous les journalistes, les Français vous détestent. Vous ne savez pas à quel point ils vous détestent ». En psychanalyse l’on nomme cela projection de ses propres sentiments… Sans doute arrive-t-il parfois que les Français portent un regard critique sur les journalistes mais à ma connaissance c’est bien plutôt quand ils taisent ou travestissent la vérité et qu’ils donnent l’impression de nous prendre pour des cons. Je ne cesse de le répéter, Nicolas Sarkozy n’a aucune conscience du poids de la presse quotidienne régionale (PQR) dans la formation de l’opinion publique en province. Cela le perdra-t-il ?
Il est évident que Nicolas Sarkozy va user le filon sécuritaire jusqu’à la corde. Il n’a pas plus de programme crédible aujourd’hui qu’hier - ce qui lui en tient lieu consiste à taper ou faire taper sur Hollande de toutes les manières possibles et imaginables et plus elles sont puantes, plus il en est fier et content - et mieux lui vaut faire l’impasse sur le boulet de son quinquennat merdique !
Or donc, il le dit sans ambages : « Ce type d'opérations va conti-nuer » (L’Express 30 mars 2012). Affirmation reprise sur le site de RFI dans un article au titre particulièrement explicite Réseaux islamistes : un coup de filet instrumentalisé ? (30 mars 2012). Voilà qui va contribuer à redorer le blason de Nicolas Sarkozy à l’étranger !
Faut-il croire un autre roi des menteurs - Squarcini - lorsqu’il nous sort sa batterie de petite cuisine politicienne et électoraliste en diable, non vérifiable ? Pour tout vous dire, cette affaire qui pue la merde à plein nez m’a immédiatement remis en mémoire d’autres hauts faits d’armes de la maison Poulaga quand elle cherche à instrumentaliser l’insécurité. Dans l’ordre des pensées qui me sont venues en apprenant ce coup de filet :
- l’expulsion de prétendus islamistes de Folembray par Charles Pasqua le 31 août 1994 vers le Burkina Faso où ils n’avaient aucune attache, le plus invraisemblable de cette histoire étant que pendant plus de 15 ans ils y vécurent au crochets de la République française !
- la rocambolesque interpellation des « Irlandais de Vincennes » le 28 août 1982 par le GIGN et notamment le Capitaine Barril. De prétendus terroristes soupçonnés d’appartenir à une organisation terroriste irlandaise. Les enquêteurs - notamment le commandant de gendarmerie Jean-Michel Beau, appelé pour enquêter sur place - sans juge d’instruction ! - y découvrant comme par enchantement des documents compromettants, des armes et des explosifs : qui y avaient été déposés par les flicaillons ! Devions-nous apprendre plus tard.
- plus proche de nous, la rocambolesque arrestation le 11 novembre 2008 - selon un scénario digne d’un film policier - des dangereux terroristes de Tarnac, membres du fameux « Comité invisible » dont les meneurs seraient Julien Coupat et sa compagne, soupçonnés - par Michèle Alliot-Marie - d’avoir saboté la caténaire d’une ligne TGV et de préparer rien moins que la révolution : « l’insurrection qui vient » selon le titre du brûlot dont il affirme n’être pas l’auteur. Lequel ouvrage m’a bien plutôt semblé être une gentillette resucée de « L’an O1 » post-soixante-huitarde… mais il faut peu de choses pour faire peur à ceux qui profitent autant du pouvoir pour faire « leurs affaires » !
Wait and see… Je serais bien curieuse de savoir ce qui ressortira de cette affaire des arrestations de Forsane Alliza… Pour l’instant je me contente de voir que Squarcini fait feu de tout bois : Islamistes en garde à vue. Forsane Alizza « semblait préparer un enlèvement » (Ouest-France 1er avril 2012) ; "Un groupe d'une véritable dangerosité" (La Provence 31 mars 2012) et cerise sur le gâteau une dizaine d'armes saisies (Europe 1 le 30 mars 2012)…
Doit-on le croire ? Je sais bien que j’ai fort mauvais esprit mais j’ai trop de bouteille et le rappel des précédents - tous régimes confondus : Pasqua lorsque Chirac était 1er ministre, Mitterrand, Alliot-Marie sous l’ère Sarkozy - m’incite à la plus grande méfiance et - parmi d’autres titres disant la même chose, le Nouvel Obs DCRI et islamistes : le coup de filet était-il un coup de pub ?
Je suis comme Saint Thomas : je ne crois que ce que je vois… D’habitude, lorsque la police fait un joli coup de filet - saisie de drogue ou d’armes - elle les étale devant la presse avec beaucoup de complaisance. Cette fois, les journalistes les ont-ils vues ? Et de toute façon, si comme dans l’histoire des Irlandais de Vincennes elles avaient été apportées, la belle preuve !
De surcroît, à lire un article d’Ouest-France - Mohammed Achamlane, chef ou porte-parole de Forsanne Alizza vit à Nantes - Portrait d’un groupe islamiste qui était installé à Nantes (30 mars 2012) il s’agirait d’un mouvement plutôt spécialisé dans la provocation verbale et saisissant toutes les occasions de se faire entendre par les médias.
Amachalane se défendait en début d’année que Forsanne Alizza pût - comme l’accusa Claude Guéant lorsqu’il fit interdire ce mouvement en février 2012 - être « un groupe armé »… « Nous, nous entraîner à la lutte armée ? Nous n’avons pas d’armes ! »… Le journaliste remarquant que « cette version des faits avait été «démentie vendredi par une perquisition à son domicile qui avait permis de trouver trois kalachnikovs, un glock et une grenade ». Au demeurant, Amachalane n’avait pas exclu le recours à la lutte armée : « C’est possible, si l’islamophobie s’intensifie de jour en jour ». Faut-il y voir de nouvelles bravacheries à destination des médias pour faire parler d’eux ?
Je constate au demeurant que Claude Guéant n’est pas conséquent dans ses propos - mais est-ce bien surprenant de la part d’un tel menteur islamophobe ? - puisqu’il décrivait le groupe comme un « sas de radicalisation » dont les membres se verraient « dispenser des formations au combat »…
Toujours selon Claude Guéant, cette opération aurait été décidée le 8 mars 2012, donc bien avant les tueries de Toulouse dans le cadre d’une commission rogatoire signée par la juge Poux à la suite d’une enquête lancée par la DCRI… Ne lui cherchons pas des "poux" dans la tête. Mais là encore, wait and see. Cela me semble formidablement curieux qu’une commission rogatoire ait mis si longtemps avant d’être mise en œuvre.
Tout ceci étant dit, ne croyez pas que je prenne pour autant fait et cause pour les islamistes - qu’ils fussent armés, terroristes ou non. D’abord et par principe, je suis opposée à l’usage de la force et de la violence, aussi bien dans la vie privée que publique.
Ensuite, parce qu’ils essaient de soumettre la France et les pays occidentaux en général à la « charia ». Or, il n’est qu’une seule loi en France : celle de la République qui implique le strict respect de la laïcité dans la vie publique. Cela valant pour toutes les religions.