Anne PERRY - Dorchester Terrace : 5-/10

Par Eden2010

Anne PERRY – Dorchester Terrace : 5-/10

Avant même de commencer mon commentaire sur ce 27ème volume (!) de la série « Pitt » de l’excellente Anne Perry, je souhaite souligner à quel point j’adore cette série !

Le fait que le premier volume que je commente sur mon blog soit, à mes yeux, l’un des rares ratés me chagrine et je me dois donc insister sur la qualité des précédents tomes pour ne pas vous faire croire que la série est à l’image de cet unique roman.

Tout au contraire ! Je ne peux que vous conseiller de les lire, et ce sans tarder ! Ils sont fabuleux, de vrais tourne-pages !

Prenez le premier volume, « L’étrangleur de Cater Street », il mérite sans aucun doute un 9/10 (je devrais vraiment le commenter, d’autant plus que je m’en souviens particulièrement bien pour l’avoir lu deux fois)! D’ailleurs, la première demi-douzaine ne descendra certainement jamais en dessous de 8/10 dans ma « notation ».

Ce sont des romans policiers sans défaut, avec une enquête structurée et parfaitement menée, des indices savamment distillés, le tout dans une Angleterre victorienne de la fin du 19ème siècle dont l’auteur maîtrise parfaitement les codes, même vestimentaires, et qui nous permettent ainsi non seulement de suivre une affaire passionnante mais encore de lire un roman quasi-historique - le tout en nous distrayant avec un suspense qui ne nous lâche pas et une révélation finale qui nous surprendra !

Sur les 27 volumes, j’en ai lu 19 dont certains plusieurs fois.

Là, cela faisait environ quatre ans que je n’en avais pas acheté, alors la de « Dorchester Terrace » était l’occasion idéale de reprendre contact avec mes personnages préférés. Et le fait d’avoir « sauté » trois ou quatre volumes n’est aucunement gênant, puisque le lecteur fidèle connaît bien les personnages et les quelques évolutions dans leur vie nous sont présentées dans le tout premier chapitre, en quelques mots bien choisis.

Et cette fois, l’évolution est assez notable puisque Thomas Pitt est désormais à la tête de la « Special Branch », un service qui ne résout pas les crimes mais, tout au contraire, intervient en amont pour les empêcher !

Mais venons-en à l’intrigue de Dorchester Terrace :

J’entends les fans de la série hurler devant ma note, d’autant plus que toutes les critiques que j’ai lues étaient extrêmement positives – mais c’est un fait, je ne suis pas d’accord, et cela même si j’adore l’auteur ainsi que ses personnages fétiches Charlotte et Thomas Pitt (bon, ça vous l’avez compris dès mon introduction)!

Ceux qui ne connaissent pas ce couple récurrent d’Anne Perry, il s’agit d’une jeune femme issue d’une famille bourgeoise qui est tombée amoureuse d’un jeune inspecteur de police lorsque celui-ci est venu résoudre une affaire de meurtres dans leur quartier et qui a ainsi fait un mariage bien en dessous de son statut social ; cette rencontre nous est conté dans « l’étrangleur de Cater Street », mais je peux vous le dire puisque cette histoire d’amour y est totalement secondaire, on s’en aperçoit à peine, cela n’a aucune incidence sur le premier roman.

Grâce à son éducation, sa famille, ses liens et son intelligence, Charlotte a pour habitude d’aider son époux dans ses enquêtes, puisqu’en tant que policier il n’a pas nécessairement accès à certaines informations.

Dans cette série, le clivage entre les riches et leurs serviteurs est toujours parfaitement mis en relief et très crédible, le regard que les uns portent sur les autres, les secrets que les serviteurs peuvent connaître à l’insu de leurs maîtres etc. etc. Les enquêtes policières se déroulent d’ailleurs généralement dans une certaine intimité, dans le cadre d’un cercle restreint.

Mais cette-fois, avec la promotion de Thomas Pitt, l’intrigue est dès le début bien plus vaste !

Devenu directeur de la Special Branch, il se doit de veiller à la sécurité du territoire britannique. Alors qu’il vient tout juste de prendre ses fonctions, des rumeurs inquiétants lui parviennent : un attentat semble se préparer, des anarchistes pourraient s’attaquer au Duc Alois de Habsbourg, un jeune homme sans importance si ce n’est ses liens de famille royaux. Un tel incident serait catastrophique à un niveau international, les relations diplomatiques seraient rompues, l’équilibre fragile pourrait être mis en cause, même une guerre ne serait pas à exclure.

Thomas se lance dès lors à la recherche de plus d’indices et informe le ministère des Affaires Etrangères. Or, il s’aperçoit alors que n’étant pas de lignage noble lui-même, il n’est pas véritablement pris au sérieux et qu’il doit désormais refaire un travail qu’il a déjà affronté quand il n’était que simple policier : s’imposer face à ceux qui le méprisent.

Ce qui le gène bien plus, c’est que désormais il n’a plus l’appui ou l’aide de Charlotte, puisque sa nouvelle mission lui interdit de parler à son épouse ! Un soutien moral, mais également une occasion de confronter ses idées à l’esprit aiguisé de Charlotte qui lui manquera cruellement …

Parallèlement, un petit drame bien plus personnel se joue : une femme d’un certain âge, Serafina Montserrat, est alitée et perd lentement l’esprit. C’est une vielle connaissance de Lady Vespasia Cumming-Gould, la tante de Charlotte, et lorsque cette dernière lui rend visite elle est effarée devant la gravité de la situation. Serafina est terrifiée, elle craint divulguer par mégarde un secret terrible lors d’un de ses moments d’absence, alors qu’elle confond présent et passé, qu’elle ne reconnaît plus son interlocuteur.

Et Vespasia le sait, certains de ces secrets, bien qu’anciens, peuvent encore avoir de l’importance ….

Lorsque Serafina est retrouvée morte dans son lit, les soupçons s’éveillent … et effectivement, elle a été victime d’un meurtrier ! Mais alors, qui ? Est-ce un assassinat lié à l’un de ces secrets qu’elle risquait de révéler ? Ou alors est-ce un crime bien plus familial, commis par sa nièce pour mettre un terme à une situation difficile devenue insupportable ?

Thomas Pitt, informé de ce meurtre, craint bien pire : est-ce que la mort de la vieille dame pourrait être lié à l’attentat qui se prépare ?

Un tome un peu fastidieux:

Déjà, la première moitié du roman est consacrée à la menace d’attentat. Oui, c’est bien, oui, j’ai aimé la manière de Pitt de s’introduire dans ces sphères bien nouvelles pour lui, j’ai pris plaisir à voir Charlotte revêtir, enfin, de jolies tenues pour réintégrer les cercles des riches qu’elle a quitté quinze ans auparavant en se mariant avec Thomas, mais, les différentes relations diplomatiques, une fois exposées, se répétaient, et se répétaient, et se répétaient. L’un relatait les aboutissant à l’autre, l’autre les exposait à l’un, et cela tournait toujours en boucle, comme si l’auteur craignait que l’on n’avait pas compris et voulait s’assurer qu’on saisisse le point. Une bonne centaine de pages est tout simplement répétitive.

Le souci est qu’il faut tout de même relire pour la énième fois telle histoire sur la rébellion en Croatie, parce que l’attitude adopté par un personnage peut révéler plus sur sa culpabilité ou son innocence. Le fait que les conversations soient parfois presque stériles (puisqu’elles n’apportent rien de plus au récit déjà lu) devient gênant.

Ce qui est toutefois bien plus ennuyeux, c’est qu’il est totalement impossible de suivre véritablement l’enquête sur cet attentat, puisque l’un ou l’autre des subordonnés de Pitt lui rapportent juste qu’il y a eu des rumeurs, que tel anarchiste connu a été aperçu, qu’on craint qu’un autre, également déjà fiché, ne soit mêlé à cet acte terroriste. Une histoire vague qui nous parvient par bribes et ne parvient donc pas vraiment à retenir notre attention qui se focalise dès le début sur les « hautes sphères » et les relations diplomatiques – nous savons que c’est là, quelque part, que ce cache le danger ; les détails de l’attentat nous intéressent donc de moins en moins.

La deuxième histoire, celle de Serafina Montserrat, se mêle alors à l’ensemble.

Si la mort de Serafina Montserra ne survient qu’au milieu du livre, on l’attendait dès la première page et elle arrive comme un véritable soulagement, tellement il était prévisible et annoncé.

Et puis commencent les suppositions comment cela pourrait être lié à l’attentat sur Alois de Habsbourg … car elle pourrait connaître un personnage haut placé …

J’avais clairement l’impression qu’Anne Perry, qui brille dans sa spécialité - les drames personnels, familiers, dans les familles de nobles, les secrets enfouis - a cependant bien moins de talent pour décrire de façon fine les relations diplomatiques et internationales.

Tout tourne constamment autour des mêmes questions, pourquoi attenter à la vie d’Alois, personnage sans importance aucune, ou est le lien avec Serafina – et je l’admets, de mon côté je me demandais plutôt pourquoi il devait y en avoir un, c’était tout de même tiré par les cheveux

Heureusement encore que Lord Narraway prend un peu la place de Pitt dans la rue !

Bref, si j’adore la série, vraiment, qui est presque un must read pour les fans des polars historiques et l’époque victorienne, ce tome-ci peine à distraire, le meurtre est prévisible, les relations diplomatiques sont tartinées de façon trop épaisses sur le dossier, les coupables trop facilement reconnaissables.

Mais si on écrit autant d’excellents romans, on peut aussi, parfois, écrire un roman moins réussi !

Voilà donc pour ce tome que je n’ai pas vraiment apprécié.

Je vous joins la liste des 27 volumes (!!) de la série publiés jusqu’ici – il me semble que c’est la série policière la plus longue mettant en scène un même enquêteur, et encore, d’autres sont en préparation, l’auteur n’entend pas s’arrêter ! Voici donc, dans l’ordre, avec l’année de publication (le titre entre parenthèses est le titre en VO) :

L’étrangleur de Cater Street (The Cater Street Hangman), 1979

Le Mystère de Callander Square (Callander Square), 1980

Le Crime de Paragon Walk (Paragon Walk), 1981

Resurrection Row (Resurrection Row), 1981

Rutland Place (Rutland Place), 1983

Le Cadavre de Bluegate Fields (Bluegate Fields), 1984

Mort à Devil’s Acre (Death in Devil’s Acre), 1985

Meurtres à Cardington Crescent (Cardington Crescent), 19897

Silence à Hanover Close (Silence in Hanover Close), 1988

L’égorgeur de Westminster Bridge (Betlehem Road), 1990

L’incendiaire de Highgate (Highgate Rise), 1991

Belgrave Square (Belgrave Square), 1992

Le Crucifié de Farrier’s Lane (Farrier’s Lane), 1993

Le Bourreau de Hyde Park (The Hyde Park Headsman), 1994

Traitors Gate (Traitors Gate), 1995

Pentecost Alley (Pentecost Alley), 1996

Ashworth Hall (Ashworth Hall), 1997

Brunswick Gardens (Brunswick Gardens), 1998

Bedford Square (Bedfort Square), 1999

Half Moon Street (Half Moon Street), 2000

La conspiration de Whitechapel (The Whitechapel Conspiracy), 2001

Southampton Row (Southampton Row), 2002

Seven Dials (Seven Dials), 2003

Long Spoon Lane (Long Spoon Lane), 2006

Buckingam Palace Gardens (Buckingam Palace Gardens), 2009

Lisson Grove (Lisson Grove), 2010

Dorchester Terrace (Dorchester Terrace), 2012

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