Cher Mario Vargas Llosa,
Je veux t’aimer, et te dérober à mes assiduités ne fera que renforcer mon opiniâtreté. J’ai vécu des histoires fusionnelles et passionnelles avec certains de tes paires; je conçois qu’il ne te soit pas agréable de subir constamment une comparaison avec ceux qui t’ont précédé dans mon cœur.
Sartre et moi, une histoire d'amour compliquée
Ils pourraient cependant témoigner du bonheur qu’ils ont su susciter chez moi, de la flamme qu’ils ont allumée et savamment entretenue, de mon adoration proche de l’idolâtrie à leur égard… mais la plupart sont morts. Oh, ne crains rien, nous sommes loin du crime passionnel : Sartre a vécu étonnamment vieux pour un intellectuel alcoolique et Balzac… eh bien, ce fût une passion posthume, je n’ai donc aucune responsabilité dans son trépas. Pour ne citer qu’eux.
J’ai jeté mon dévolu sur toi. Je suis en mal d’amour littéraire et tu as, du moins sur le papier, toutes les qualités pour me plaire. Outre ton physique d’une débordante sensualité (bien que ça n’ait, en l’occurrence, aucun espèce d’importance – Sartre n’avait rien d’un Apollon-, ta beauté ombrageuse est néanmoins un appel au crime), tu es doté de qualités stylistiques indéniables. Je suis exigeante, tu sembles brillant: nous devions nous rencontrer. Je ne te connaissais pas, tu me fascinais déjà. Il me tardait de t’inviter à me rejoindre, un soir dans mon lit, te lover avec moi sous la couette, pour m’envoûter avec tes paroles que j’imaginais sensuelles, poétiques, lyriques.
La tante Julia et le Scribouillard
Lorsque tu as commencé à me parler de ton histoire d’amour avec ta Tante Julia, j’ai stoïquement serré les dents : j’espérais que ce ne serait qu’une fade et brève introduction à un voyage plus excitant. Je fis taire ma jalousie et masquai mon ennui.
Et subitement, au détour d’un paragraphe, tu fis un coup de maître. J’en ai soupiré de plaisir. Rassure-toi, je ne dévoilerai rien: disons juste que le vent de la subversion à soufflé, la morale petite-bourgeoise s’est pris une grande gifle, et tu m’as promis des délices tabous et inavouables. Le style, l’imagination, un soupçon de perversion: j’étais proche de la pâmoison. Je t’appartenais corps et âme, la nuit serait longue. Tous deux, nous allions renouer avec les délices des nuits blanches et des petits matins fatigués, mais repus. J’étais sous le charme.
Pourquoi t’arrêter en si bon chemin de traverse pour bifurquer vers l’autoroute de la bienséance? Cela fait des jours que je t’attends, pourquoi perdre ton temps en circonlocutions? Pourquoi me faire miroiter des horizons nouveaux et improbables, pour finalement m’embarquer dans une promenade banale et terriblement frustrante après ces rêves d’immensité? Pourtant, ta prose pure, noble et mélodieuse se prêterait à des histoires tellement plus magiques et excitantes.
Ce que tu ignores encore, Mario, c’est ma ténacité. La patience n’est pas le moindre de mes défauts, mais pour toi, je vais persévérer. Mario, laisse moi t’apprivoiser, laisse-toi t’aimer: accorde-moi une deuxième chance!
Hélène choco