Hermann et Jeanne démontrent donc qu'il est parfaitement irresponsable de vouloir raisonner "à l'américaine" quand on se trouve face à un tueur européen. Au mieux, cela bloquera l'enquête, au pire, cela la détournera de sa véritable voie. Ils plaident également pour une meilleure coordination entre les juges ayant en charge des dossiers de disparitions et d'assassinats, et qui, en unissant leurs efforts, auraient mis beaucoup plus rapidement hors de nuire un Francis Heaulme ou un Michel Fourniret. (L'une des rares ressemblances entre tueurs en série américains et européens - mais elle est de taille - c'est la capacité des uns comme des autres à tirer avantage d'un système judiciaire qui, ici comme à New-York mais pour des raisons différentes, enferme policiers et magistrats dans leur juridiction, les rendant sourds et aveugles à ce qui se passe dans celle d'à-côté, là où pourtant l'assassin qu'ils recherchent s'est prudemment enfui afin de poursuivre en paix son oeuvre de mort.)
Nos deux auteurs insistent aussi sur la nécessité faite à la société dans son ensemble d'étudier les tueurs en série mis sous les verrous et, ainsi, de tenter de prévenir les actes de ceux restés à l'extérieur. Technique déjà pratiquée aux Etats-Unis et qu'il faudrait bien entendu adapter à notre propre système pénitentiaire - même si les inévitables Droitdel'hommistes hurleront une fois de plus au scandale en cherchant à transformer d'immondes bourreaux en malheureuses victimes. Enfin, ils mettent en garde contre le redoutable jeu des remises de peine qui libère sans complexe des violeurs et des pédophiles récidivistes alors que, inexorablement, tôt ou tard, ceux-ci seront amenés à passer au degré supérieur du crime.
La thèse est étayée par l'étude de cas bien connus en France : l'adjudant Chenal et les Disparus de Mourmelon, Francis Heaulme qui poussait systématiquement au viol des complices choisis au hasard pourvu qu'ils eussent un mode de locomotion (le "Routard du Crime" n'avait pas permis de conduire), Thierry Paulin et son amant, Maturin, les "tueurs de Vieilles Dames" de l'Est parisien, etc, etc ... A l'exception du premier chapitre, on ne tombe jamais dans le pathos. Il n'y a pas non plus de complaisance malsaine. Rien que du solide, du grave, du sérieux - et du passionné, par deux passionnés.
A lire. Absolument.;o)