Certain roi qui régnait sur les rives du Tage,
et que l’on surnomma le sage,
non parcequ’il était prudent,
mais parcequ’il était savant,
Alphonse, fut sur-tout un habile astronome.
Il connaissait le ciel bien mieux que son royaume,
et quittait souvent son conseil
pour la lune ou pour le soleil.
Un soir qu’il retournait à son observatoire,
entouré de ses courtisans,
mes amis, disait-il, enfin j’ai lieu de croire
qu’avec mes nouveaux instruments
je verrai cette nuit des hommes dans la lune.
Votre majesté les verra,
répondait-on ; la chose est même trop commune,
elle doit voir mieux que cela.
Pendant tous ces discours, un pauvre, dans la rue,
s’approche, en demandant humblement, chapeau bas,
quelques maravédis : le roi ne l’ entend pas,
et, sans le regarder, son chemin continue.
Le pauvre suit le roi, toujours tendant la main,
toujours renouvelant sa prière importune ;
mais, les yeux vers le ciel, le roi, pour tout refrain,
répétait : je verrai des hommes dans la lune.
Enfin le pauvre le saisit
par son manteau royal, et gravement lui dit :
ce n’est pas de là haut, c’est des lieux où nous sommes
que Dieu vous a fait souverain.
Regardez à vos pieds ; là vous verrez des hommes,
et des hommes manquant de pain.
Jean-Pierre Claris de FLORIAN (1755-1794).
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