La femme pleure dans son mouchoir, après un rapport sexuel avec un homme. Mariée, on le suppose par le titre du tableau, mais on ne voit pas l'alliance car on ne distingue pas l'annulaire de sa main gauche (ce serait possible mais il est caché par le coussin du canapé). Elle est habillée pour une fête : robe chic, chaussures vernies dont l'une apparait sous la robe à droite, fourrure autour du cou dont les deux extrémités tombent, formant comme deux pattes d'un animal un peu ridicule qui semble la porter sur ses genoux.
On peut penser qu'elle a cédé aux avances d'un homme au cours d'une soirée où elle s'est rendue. La scène se passe dans un petit salon discret à l'écart de la salle de bal. Tout est rouge sombre : le tapis, le divan, les tentures, dans des références classiques à la défloraison. La jeune femme est seule : l'homme est retourné vers les fêtards la laissant à son chagrin. Tel un regard divin réprobateur, la lumière qui tombe du lustre semble la contraindre à détourner le visage. Le tableau transpire la posture moralisatrice : la faute est commise, mais il est bien tard pour prendre conscience des conséquences d'une coupable légèreté que la bonne société réprouve. Comme ils ont dû se cacher pour céder à leurs élans, elle doit encore se dissimuler et étouffer ses sanglots dans les coussins, afin d'éviter d'attirer l'attention.
Pourquoi pleure-t-elle ? La réponse n'est pas aussi évidente qu'on le croit. Le regret d'avoir cédé malgré les éventuelles conséquences, si son mari l'apprenait, n'est pas forcément le plus fort. Le plus difficile pour ces femmes de la fin du 19e est de se dire qu'elles ne seront plus considérées comme convenables, et d'abord aux yeux mêmes de leurs amants, avant que la nouvelle ne transpire auprès de leurs amis ou proches.
La jeune femme porte une robe à la mode à cette époque (et qu'on retrouve d'ailleurs dans le tableau de Béraud "La pâtisserie Gloppe"). Le buste est enserré dans un corset qui affine en outre la taille, très fine, tandis que le postérieur est rehaussé par une tournure, avatar de la crinoline disparue en 1867. Ce vêtement de dessous placé sous le jupon est gonflé par un réseau de baleines métalliques qui ne couvrent que l'arrière du corps et libèrent le devant, à la différence de la défunte crinoline. On appelle ironiquement cet ensemble le “faux-cul”.
Dessous, selon les canons féminins de l'époque, le fameux frou-frou : une longue chemise en coton, un corset par dessus, un cache-corset brodé, des pantalons au bas de dentelles, une tournure et un ou des jupons sous la robe.
Illustrations : Tate Gallery, Wikipedia, Proust