"Vu les articles L. 480-5 et L. 480-9 du code de l'urbanisme ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 mai 2010), que M. X... ayant, le 7 novembre 1992, entrepris des travaux de construction, sans permis de construire, sur une parcelle de terre acquise par M. et Mme Y... par acte notarié du 2 octobre 1992, le tribunal correctionnel, par jugement devenu définitif, l'a condamné et a ordonné, sous astreinte, la démolition de la construction illicite ; que la mesure de démolition n'ayant pas été exécutée, le préfet du Var a fait assigner, sur le fondement de l'article L. 480-9 du code de l'urbanisme, les époux Y... en expulsion et M. X... en déclaration de jugement commun ;
Attendu que, pour rejeter les demandes, l'arrêt retient que si l'ordre de démolition est une mesure à caractère réel, c'est à la condition qu'il ait été donné à celui qui pouvait le recevoir, que M. X... n'ayant pas été le bénéficiaire des travaux et n'étant pas même le propriétaire du terrain sur lequel ils avaient été réalisés, la mesure de démolition n'a pas pu présenter un caractère réel obligeant les époux Y... à la subir ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les mesures de démolition et de mise en conformité ordonnées en application de l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme sont des mesures à caractère réel, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 mai 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne les époux Y... et M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des époux Y... et les condamne, in solidum avec M. X..., à payer à l'Etat la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils pour le préfet du Var.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement ayant débouté l'Etat français de sa demande en expulsion des époux Y..., aux fins d'obtenir l'exécution de l'arrêt du 7 mai 1996 ordonnant la démolition de l'ouvrage illicite situé sur le terrain dont ils sont propriétaires
AUX MOTIFS QUE, selon l'article L. 480-9 du code de l'urbanisme, «Si, à l'exception du délai fixé par le jugement, la démolition, la mise en conformité ou la remise en état ordonnée n'est pas complètement achevée, le maire ou le fonctionnaire compétent peut faire procéder d'office à tous travaux nécessaires à l'exécution de la décision de justice aux frais et risques du bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l'installation irrégulière du sol. Au cas où les travaux porteraient atteinte à des droits acquis par des tiers sur les lieux ou ouvrages visés, le maire ou le fonctionnaire compétent ne pourra faire procéder aux travaux mentionnés à l'alinéa précédent qu'après décision du tribunal de grande instance qui ordonnera, le cas échéant, l'expulsion de tous occupants» ;
Que selon les dispositions combinées des articles L. 480-5 et L. 480-7 du code de l'urbanisme, l'ordre de mise en conformité des lieux ou de démolition ne peut être donné qu'au bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l'utilisation irrégulière du sol à l'époque où l'infraction a été commise ;
que si l'ordre de démolition est effectivement une mesure à caractère réel, suivant le bien en quelques mains qu'il se trouve, c'est à la condition qu'il ait été donné à celui qui pouvait le recevoir ;
Que l'arrêt du 7 mai 1996 ayant donné l'ordre de démolition à M. Guy X..., qui a exécuté les travaux irréguliers mais n'en a jamais été le bénéficiaire, cette mesure n'a pu présenter un caractère réel obligeant les époux Y... à la subir ;
Que c'est donc à jsute titre que le premier juge a débouté l'Etat français de sa demande, sans qu'il y ait lieu de porter une appréciation sur l'arrêt du 7 mai 1996, comme il a cru devoir le faire ;
1° ALORS QUE le juge ne peut porter atteinte à l'autorité de la chose définitivement jugée ; qu'en l'espèce, l'arrêt du 7 mai 1996 ayant ordonné à M. Guy X... la démolition de l'ouvrage édifié sur le terrain des époux Y... était devenu définitif ; que dès lors la cour d'appel ne pouvait priver cette décision de tout effet en affirmant que l'ordre de démolition délivré à M. Guy X..., qui «avait exécuté les travaux irréguliers mais qui n'en a jamais été le bénéficiaire», n'aurait pas été donné «à celui qui pouvait le recevoir» ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a porté atteinte à l'autorité de chose jugée attachée à cette décision et violé l'article 1351 du code civil ;
2° ALORS QUE l'ordre de démolition est une mesure réelle opposable aux acquéreurs des constructions irrégulièrement édifiées, peu important qu'ils aient été mis ou non en cause dans la procédure conduisant à cette mesure ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a affirmé que la mesure de démolition ordonnée par l'arrêt du 7 mai 1996 n'avait pu présenter un caractère réel obligeant les époux Y... à la subir, au motif inopérant que le constructeur n'aurait pas eu qualité pour recevoir un tel ordre ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles L. 480-5 et L. 480-9 du code de l'urbanisme. "