«Sous le regard attentif des dieux de l’Olympe, Homère le premier prophète offre une vision double de l’humanité à ses lecteurs. Il y a ceux qui tiennent de l’Iliade, c’est-à-dire de la guerre, l’affrontement, la ruse, la gloire, le pouvoir, les alliances, l’amour considéré comme une conquête ou une possession – et malheur donc à qui s’en empare indûment. Ce sont, résumés en un mot les politiques, ceux pour lesquels le vaste monde est une question d’organisation, avec des places à défendre et des ambitions à assouvir. Et il y a ceux qui tiennent de l’Odyssée, avec Ulysse, l’homme seul face à son destin, à ses choix, à ses amours. Ce sont, d’un autre mot, les aventuriers, et c’est deux qu’il s’agit dans ce livre.», écrit Marc Wiltz en prologue de l’ouvrage qu’il a publié l’an passé.
Nous en sommes tous là en effet ! Prendre l’un ou l’autre parti. Ecouter chaque jour les phrases et les promesses sans lendemain, où nous plonger dans l’eau pour nous purifier et oublier les vaines paroles ! Mais l’aventure est si belle que le choix est vite fait. Avant de voyager, nous rêvons. Pendant le voyage, nous imaginons le réel. Revenus de la zone inconnue, nous en bordons les contours par des références, avant d’y retourner pour savoir si nous ne sommes pas passés à côté de l’essentiel.
Ce livre constitue une sorte de bible amoureuse des voyages et des voyageurs qui regroupe les écrivains de profession, les écrivains par chance, les ethnologues qui touchent à l’imaginaire, les romanciers qui s’étonnent de tout et créent une forme d’exotisme qui leur est propre, les reporters qui veulent à n’importe quel prix, même celui de leur propre vie, faire connaître le monde et les conquérants pour qui le voyage est une des formes de la politique. Des écrivains, bien sûr mais avant tout des titres.
«Quelques lignes suffisent parfois pour faire sentir immédiatement la communauté de vues entre le lecteur et les pages qu’il a sous les yeux – ainsi, pour moi, du Don Quichotte de Cervantès ou du Chant des pistes de Bruce Chatwin ; pour comprendre que sous ces mots se trouve le saisissement d’une intelligence qu’on ne côtoiera jamais d’aussi près – ainsi Les Immémoriaux de Victor Segalen ; pour imaginer l’aventure de partir au loin avec ce mimétisme qui rend les choses a priori plus faciles parce que déjà accomplies par d’autres – ainsi La Voie royale d’André Malraux dans les jungles du Cambodge. Et puis, il faut bien rire aussi du monde parce que vivre est une fête – ainsi, avec ses Mémoires, Giacomo Casanova est-il le grand ordonnateur de l’hommage perpétuel rendu à la beauté.»
Dans cette recherche des voyageurs européens qui m’amène sur les horizons dépassés, j’ai pensé qu’il fallait bien commencer en effet par ce guide des guides. Voulons-nous poursuivre des mythologies ou regarder le monde avec les yeux du Petit Prince ? Sommes-nous à la recherche de sagas familiales dans la filiation de Piazza d’Italia ou dans la recherche de la solitude, en rupture de ban dans Le train de nuit pour Lisbonne ? Voulons-nous gratter le paysage pour y retrouver la trace des guerres en revisitant Kaputt ou faire un Voyage au bout de la nuit ? Sommes-nous devenus des drogués du bonheur de la marche en faisant le Voyage avec un âne dans les Cévennes ou encore des irréductibles de l’attente dans Le désert des Tartares ou le long du Rivage des Syrtes ?
Mais dans la lignée de Stevenson, aux côtés de Michel Le Bris, de Gilles Lapouge, il faut rendre hommage à Jacques Lacarrière, entre Chemin faisant et l’Eté grec. Décédé en 2005, ses cendres ont été dispersées au large de Spetsai, là où les mythologies grecques des Déesses terrestres, rencontrent les mythologies des Dieux maritimes. « On ne peut suivre qu’un seul chemin à la fois », écrit-il « Quand on marche, il faut abandonner l’idée de tout voir, de tout parcourir, de tout rencontrer, et se laisser guider. »
Marc Wiltz. Le Tour du monde en 80 Livres. Magellan et Cie, 2011.
Les photographies ont été prises sur le port de Castelvetrano en Sicile et dans le Val d'Aran.