Source : Sciences humaines
Demain les posthumains
Jean-Michel Besnier, Hachette, 2009, 216 p., 18 €
Fusion homme-machine, cerveau relié à Internet ou à des mondes virtuels, souvenirs numérisés assurant la survie de l’esprit après la mort du corps…
Certains futurologues annoncent des avancées scientifiques telles que l’homme, augmenté, immortel, capable de tous les possibles, pourrait devenir méconnaissable.
L’important ne serait plus alors de savoir ce qu’est l’humain, mais quel humain nous allons construire. Or Jean-Michel Besnier, professeur de philosophie à Paris-IV, voit dans ce discours exalté non pas une leçon d’optimisme, mais au contraire une forme d’abdication.
Après la découverte que l’homme n’est pas au centre de l’univers (Nicolas Copernic), ni au sommet de la création (Charles Darwin), et que les vrais mobiles de nos actions nous échappent (Sigmund Freud), la dissolution des frontières homme-machine pourrait en effet représenter une quatrième blessure narcissique.
Le philosophe italien Guido Calogero préconisait déjà d’étendre la morale humaine aux robots, afin de constituer une « république des êtres qui ont le droit d’être compris ». Le Massachusetts Institute of Technology (MIT) abrite actuellement des réflexions sur l’instauration d’un droit des robots, tandis qu’une charte éthique des relations hommes-robots se prépare en Corée du Sud. Comme le pressentait Günther Anders il y a un demi-siècle, l’homme éprouverait la « honte prométhéenne » de ne plus être à la hauteur de ses créations autorégulées, indifférentes à la morale, sans états d’âme et bientôt infaillibles.
Le plus grand titre de gloire de l’humanité pourrait donc être de se dissoudre pour laisser place à sa propre création. Autant en finir du même coup avec notre vieux désir de maîtrise et de responsabilité, et s’effacer, se fondre dans la machine, en s’abandonnant à l’irresponsabilité. Loin d’être une nouvelle étape de l’humanisme, l’avènement du posthumain coïnciderait, selon J.-M. Besnier, avec la fin de l’idéal de culture, de dépassement de soi, de volonté et de désir : ce serait en un mot le triomphe de la « fatigue d’être soi » imprégnant, selon le sociologue Alain Ehrenberg, la société actuelle. Ce livre présente ainsi l’interprétation inattendue d’un avenir possible, mais sans doute pas si simple, pour l’humanité.