Compétence ?

Publié le 30 mars 2012 par Omelette Seizeoeufs

En 2007, quand aucun des candidats à l'élection présidentielle n'avait déjà exercé la fonction présidentielle, et que le futur Très Grand Homme (TGH) avait réussi à se délester de son passé chiraqien, la question de la compétence avait joué en sa faveur, ainsi qu'en faveur de François Bayrou, et au détriment Ségolène Royal. C'était un argument difficile à démêler : Sarkozy était encore nimbé de son temps passé aux Finances et à l'Intérieur ; le passé ministériel de Royal était plus lointain, et les téléspectateurs avaient surtout retenu l'image de l'ancienne ministre à la maternité, ce qui avait contribué à rappeler le fait que c'était une femme, à la compétence, donc, intrisèquement discutable et à qui il fallait poser des intérros sur les sous-marins nucléaires. Passons.

En tout cas, cette fois, sans trop réfléchir, je pensais que la compétence allait naturellement disparaître en tant que critère. C'était oublier de compter sur le vide idéologique du camp de droite, sur le fait que Jean-François Copé entend préserver toute son intelligence et ses idées géniales pour 2017. Donc la compétence ressort. Pourtant, je croyais, naïvement je l'accorde, que sur ce point Sarkozy s'était complètement grillé. La plupart de ses "réformes" économiques les plus emblématiques, à l'image du Paquet, ont dû être abrogées, il s'est montré particulièrement malhabile en politique étrangère, ce qui aurait dû être, à en croire l'instinct des "gens" qui se méfiaient de Royal et sa capacité à "représenter la France à l'étranger".

C'était donc oublier que la comm' n'a pas besoin d'avoir d'attache dans le monde réel. Ainsi, la compétence revient, d'abord avec le fameux off, où le Président de la R. décrète que François Hollande est "nul". Ensuite, parmi d'autres, on retrouve cet édito de Philippe Tesson qui tacle le peuple français, coupable d'avoir atteint la conclusion inverse, après cinq années d'observation. Il s'agit d'un sondage BVA/Le Parisien du 27 mars, sur la "crédibilité" des candidats. Sur 13 catégories, Hollande bat Sarkozy onze fois ; sur "l'insécurité" ils sont à égalité et sur "l'Europe" Sarkozy devance Hollande de 2% (33% à 31%).

Le peuple est, bien sûr, incompétent pour juger de la compétence des hommes politiques. C'est du moins la conclusion de Philippe Tesson, qui déborde d'ironie.

De même s'agissant de la santé, par exemple, où il recueille 41 % contre 22 % pour l'actuel président ! On ignorait qu'il eût tant de compétences, tant de talents sur tant de sujets. Le peuple a vraiment de l'instinct.

Oui, vous avez bien lu : "le peuple a vraiment de l'instinct". Il faudrait d'abord noter le petit glissement de langage, de la "crédibilité" du sondage à la "compétence" de Tesson. On voudrait que la compétence soit une valeur quantifiable, nombre de diplômes, nombre d'années d'expérience. Le TGH n'a pas beaucoup de diplômes, mais il a été Président pendant cinq ans, donc il gagne. Il a sûrement appris des choses, pendant ce temps, c'est vrai, et je ne parle même pas de tous les sujets de pathos qu'il a évoqués à Villepinte. Mais surtout, ces cinq années ont servi à lui ôter toute crédibilité sur ces sujets.

Et voilà le vrai problème du TGH : quand il dit "je vais résoudre problème X ou Y", tout le monde a désormais assez d'"instinct" pour savoir que sa compétence se limite à sa capacité d'utiliser les différents sujets pour communiquer dessus. L'instinct du peuple n'est pas si mauvais, pour une fois, car il a finit par comprendre que le fait de soumettre systématiquement l'intégralité de la politique aux besoins de comm' du moment nous conduisait inévitablement hors sujet.

Et l'ironie, si nous pouvons nous permettre d'emprunter cette arme à Monsieur Tesson, en toute modéstie, c'est que, quand Nicolas Sarkozy dit : "Hollande est nul", on comprend aujourd'hui qu'il ne parle que des capacités à communiquer et à jouer le jeu politique. Pour le cas Sarkozy, le peuple, avec son instinct, a finit par se rendre compte depuis longtemps.