Mardi 27 mars à Nantes, Nicolas Sarkozy a employé le mot méprisance. Un certain nombre d’internautes se sont émus de ce néologisme, aussitôt accusés d’inculture par des adorateurs de notre souverain, toujours prêts à sanctifier tout ce qui sort de certains de ses orifices naturels. Ce mot de méprisance ayant été utilisé par Jehan Bagnyon dans son Histoire de Charlemagne publiée en 1489, ces dévoués linguistes affirment donc qu’il s’agit là, non d’un néologisme, mais plutôt d’un archaïsme.
Alors, plus cuistre que les cuistres, allons-y : en linguistique, on distingue la diacronie et la syncronie : en diacronie, on examine l’évolution d’une langue au fil du temps, alors qu’en syncronie on étudie une langue à un moment donné. Lorsque l’on a le souci d’être compris de ses interlocuteurs, on a bien sûr tout intérêt à rester synchrone et à n’utiliser que des mots d’une seule et même époque et, de préférence, la contemporaine.
Lorsque l’on a recours à des termes plus anciens, ce peut être soit parce qu’il n’existe pas de mot actuel convoyant exactement la même signification, soit par une volonté de pédanterie, pour exhiber un prétendu savoir bien vain. Le mot mépris ne me semblant pas avoir un sens sensiblement différent de celui de méprisance, j’aurais tendance à privilégier la seconde hypothèse. A moins bien sûr qu’il ne s’agisse d’un nouveau lapsus de notre président, fort coutumier du fait.
Il est en outre paradoxal qu’un homme, qui a fait de la rupture et de la modernité ses marques de fabrique, se laisse aller à fuir au Moyen-Âge. Beau programme, à l’aube du XXI° siècle !
S’appuyant sur cet archaïsme, des thuriféraires de Sarkozy nous chantent que ce n’est en rien comparable à la bravitude de Ségolène Royal. J’attends toujours de ceux qui, cinq ans plus tard, continuent à baver sur ce barbarisme, qu’ils accordent la même publicité et les mêmes sarcasmes au magnifique chapelet sans cesse enrichi par notre monarque: chrétienneté, héritation, fatitude, conquérance, trentagénaire, financement pérein, ad nominem, supervisation.