Julie Delpy enchaîne. Après son Skylab sorti il y a peu, voici 2 Days In New York, la suite de 2 Days In Paris qui avait eu son petit succès. On y retrouve donc une Marion maman, dorénavant débarquée à New York, séparée d’avec Jack et installée avec Mingus, un journaliste afro-américain. Tout va pour le mieux jusqu’à que sa famille vient lui rendre visite. C’est l’occasion pour tous de se rencontrer, pour le meilleur et pour le pire.
Comme dans sa précédente livraison, Julie Delpy va en profiter pour livrer une comédie pétillante, loufoque et déjantée. Pour ceux qui connaîtraient la prequel, il est bon de retrouver des personnages haut en couleur qui font la force des deux métrages. Marion n’arrive pas à gérer ce petit monde en étant tiraillée entre ses obligations privées et ses différents environnements familiaux. Elle est généralement dépassée par les événements, malgré toute sa bonne volonté. Quant au père et la sœur, ils évoluent à leur niveau, l’un étant toujours aussi vulgairement enfantin et l’autre souvent proche de l’hystérie. Mingus, la nouvelle tête du film, est dépassé par cette tornade humaine. Cette caractérisation des personnages et les événements qu’ils engendrent participent d’une bonne tranche de rigolade tant l’ensemble paraît iconoclaste.
Bien entendu, la réalisatrice continue de poser sa comédie en suivant le principe de la différenciation culturelle entre la France et les Etats-Unis, thématique chère à la réalisatrice franco-américaine. Les rapports sont difficiles, les intégrations sont compliquées et les clichés ont la vie dure. Chacun campe sur ses a priori, sur ses représentations, provoquant ainsi des incompréhensions. Ces situations amènent une bonne humeur communicative et contaminent autant les personnages que les spectateurs. Néanmoins, 2 Days In New York ne vise pas la méchanceté car Julie Delpy évoque davantage une tendresse bienveillante envers ces deux univers qui se télescopent et qu’elle aime au plus profond de son identité. Cette attitude est salvatrice car elle permet de prendre le film au premier degré, presque avec naïveté, et de rentrer directement au cœur des situations et des personnages.
Mais la grande force de Julie Delpy est d’arriver à concilier le rire avec une multitude de sensations. Il y a, en premier lieu, l’irritation. La famille de Marion ne fait rien pour s’intégrer parfaitement. Ils agissent comme des enfants, n’en font qu’à leur tête et ne cherchent pas l’évolution. Le spectateur se retrouve alors dans la même situation que Mingus, totalement irrité par de tels comportements. Mais il existe une telle bonhomie dans le traitement que leur donne la cinéaste qu’on les suit avec délectation. Voici donc des hommes et des femmes entiers. L’énervement se dissipe peu à peu et les personnages deviennent, par la suite, touchants. C’est la deuxième sensation que procure le film. En effet, la grande différence entre les deux films vient du fait que la mère est décédée et la réalisatrice va s’appuyer sur ce changement pour construire l’émotion. Heureusement, cette donne n’est pas trop surlignée. Elle ne vient contaminer le métrage que par petites touches bien senties qui ouvrent vers une réelle nouveauté et un nouveau statut. Julie Delpy a grandi et elle ose maintenant entrer dans une dimension résolument adulte. Il y a de l’espoir avec cette ouverture vers un nouveau champ des possibles identitaires. Il y a, paradoxalement, de la mélancolie quand on sait que certains n’en feront pas partie. L’enjeu de cette évolution est double. Non seulement cette démarche propose une exploration plus en profondeur du parcours de son héroïne mais elle permet à la réalisatrice d’exorciser quelques démons. En effet, Marion est clairement l’alter ego de Julie Delpy aux vues des thématiques développées, de son parcours artistique et quand on sait que sa propre mère est décédée entre les deux films. 2 Days In New York devient alors une véritable thérapie.
Avec ces 2 Days In New York, Julie Delpy signe une comédie réussie, totalement dans l’esprit de sa prequel. Mais plus que cela, elle ouvre une nouvelle dimension qui évite la répétition entre les deux métrages. L’œuvre de la cinéaste apparaît alors totalement cohérente. Ce diptyque des 2 Days devient, par voie de conséquence, un bien bel objet cinématographique.