Magazine Société

« Eurosprechen »

Publié le 30 mars 2012 par Toulouseweb
« Eurosprechen »Le doute n’est plus permis, le français fout le camp
Au siège toulousain d’Airbus, qui porte le doux nom de Central Entity, les circonstances atténuantes sont recevables. L’entreprise est quadrinationale, l’unique langue de travail y est l’anglais et c’est difficile de procéder autrement. Les «Airbusiens» font contre mauvaise fortune bon coeur, à commencer par les francophones, et ils se moquent volontiers d’eux-mêmes, reconnaissant que leur langue véhiculaire, variante dégradée du Basic English, mérite au mieux de s’appeler «Eurosprechen».
Mais que dire d’entreprises bien françaises qui montrent le mauvais exemple, sans même s’en rendre compte ? Elles sont nombreuses, en effet, à être persuadées de fonctionner en français alors que leurs cadres, qu’ils soient très supérieurs ou pas, s’expriment dans un affreux sabir, un sous-volapük. Apparemment, ils n’ont jamais entendu dire que la langue est la clef de voûte d’une civilisation, constitue son bien le plus précieux et doit être profondément respectée. Ce qui va de soi et, «normalement», ne doit pas poser de problème, mis à part un risque de contamination, de glissement vers le franglais, à force de lire la littérature technique anglo-saxonne et, il faut bien le dire, une petite touche de paresse intellectuelle.
Reste le fait qu’il suffit de tendre l’oreille pour frémir et plonger dans le pessimisme noir. Surtout à l’occasion d’échanges avec des chefs et sous-chefs installés dans la quarantaine dont on se demande s’ils s’adressent en français ou en anglais à la caissière de leur supermarché. Et s’il leur arrive de lire un journal dans leur langue maternelle ou encore de constater que Sarkozy, Hollande et Mélenchon persistent à utiliser la lanque de Voltaire.
Cette semaine, nous avons passé une journée dans un haut-lieu de la technologie de pointe, mi-aéronautique, mi-spatiale. Nous y avons croisé des jeunes gens très performants, très motivés. Le problème, c’est qu’après le software, ils ont tenu à nous montrer quelques exemples de hardware. Dont la conception était «baselinée» sur des exigences précises de clients qui ont «targeté» leurs demandes avec réalisme. Non sans avoir «mergé» des désideratas parfois contradictoires. Ce qui les a parfois obligés à infléchir, pardon, à «retracker» leur manière de procéder. Et, quand il s’agissait de satellites, cela en s’attachant à la payload mise on board (1).
Assez ! Nous n’en pouvons plus ! Mieux vaudrait passer tout de suite à l’espéranto ou, mieux encore, proposer aux écoles d’ingénieurs françaises d’enseigner l’eurosprechen. Le vrai, le seul, celui qui a permis à Airbus de devenir le numéro 1 mondial des avions commerciaux.
Pierre Sparaco-AeroMorning
(1) L’Académie de l’air et de l’espace a publié il y a quelques années un lexique franglais-français qui aurait mérité plus qu’un timide succès d’estime. Renseignements : 05 34 25 03 87

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Toulouseweb 7297 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossier Paperblog

Magazine