A la hauteur de Beaune, Guillaume quitta l'autoroute et commença à se sentir chez lui. Pourtant, cette fois, il ne descendait pas en Bourgogne d'un coeur léger et il n'éprouvait pas l'allégresse habituelle. Il lui avait fallu presque une semaine pour prendre les dispositions nécessaires, mais il était prêt à faire face, à rester le temps qu'il faudrait. En l'appelant à l'aide, son frère savait forcément ce qu'il faisait, jamais il n'aurait crié au secours pour rien.
Françoise Bourdin est un auteur que j'ai découvert grâce à ce blog, et plus précisément grâce à la magie des partenariats, qui donnent l'occasion de lire des textes vers lesquels on ne serait pas allé spontanément. Pour moi, elle était estampillée "littérature régionale", littérature à laquelle je suis proprement allergique. N'ayant aucun attrait pour le monde rural, la littérature qui s'y déroule ne m'intéresse donc pas du tout, et même m'ennuie à périr. Et pourtant, dans ce cas, j'ai bien fait de me laisser aller à la curiosité, car même s'il est question de campagne et d'agriculture, c'est aussi plus que ça me semble-t-il. Bon, d'autant que celui-ci se déroule dans les vignes, et que les vignes, c'est intéressant (enfin surtout leur produit, à dire vrai).
Ce n'est pas une simple visite de courtoisie à son frère jumeau (oui, encore une histoire de gémellité, je sais) qui pousse Guillaume, brillant architecte parisien, à se rendre en Bourgogne. Non. Robin, qui lutte contre un cancer qui l'affaiblit chaque jour un peu plus, a besoin de lui pour les vendanges, et malgré un grand projet, Guillaume a tout lâché pour lui prêter main forte. Et ce ce n'est là qu'un de ses problèmes.
Ce que j'ai apprécié dans ce roman, c'est qu'il est riche de plusieurs facettes. D'abord Guillaume. Guillaume, c'est un peu mon alter-ego, le citadin qui aime bien la campagne mais à doses homéopathiques, pas trop souvent et pas trop longtemps. Mais voilà : arrivé à la quarantaine, il se rend compte qu'en fait sa vie ne lui convient pas, qu'elle ne le satisfait pas, et qu'il a fait les mauvais choix. Et le destin lui offre une possibilité de changer de vie. Cela lui demande un certain courage, d'autant qu'il doit renoncer à certaines choses qu'il a construites, mais tout de même... d'autant que l'amour... oui, je crois que par amour je pourrais aussi faire un choix similaire. Et puis il y a Robin, et là c'est la facette du roman qui m'a le moins plu, parce que le thème de la maladie, du cancer qui est central dans le roman, est extrêmement anxiogène et terrifiant, d'autant qu'il est ici traité avec réalisme et honnêteté, sans violence, mais sans aseptiser les choses. Et je crois que ce qui m'a le plus bouleversée, c'est que la maladie de Robin survient lorsque sa femme est enceinte de leur premier enfant, comme si la maladie et la mort qui rôde étaient toujours liées à la vie et à la naissance. Du coup, cela m'a un peu déstabilisée et j'ai eu par moments l'impression d'étouffer, malgré le courage extraordinaire de Laurence qui force l'admiration, et l'optimisme, tout de même. Mais tout le monde le sait, je suis une petite chose fragile, donc il n'est pas dit que cet aspect du roman soit aussi traumatisant pour tout le monde. Enfin, deux mots du personnage de Ralph, le fils de Guillaume, qui m'a beaucoup touchée même s'il est un peu tête à claques, et dont j'ai aimé l'évolution.
Bref, il s'agit là d'un très joli roman, que j'ai eu plaisir à découvrir même s'il m'a angoissée !
Serment d'automne
Françoise BOURDIN (dont je vous recommande la page facebook)
Belfond, 2012