Y a-t-il un sujet plus sérieux, une urgence autrement prioritaire, parmi tous les thèmes de campagne abordés (ou pas…) par les candidats à l’élection présidentielle ? je viens de lire dans son intégralité le rapport de l’ONPES (Observatoire National de la Pauvreté et de l’Exclusion Sociale) et constate que la situation de la pauvreté et de la précarité en France n’a que rarement été aussi préoccupante dans notre pays. Pourtant, qui en parle ? Il est à l’évidence plus facile de brandir les sempiternels épouvantails politiques d’extrême droite… pour lesquels on a toujours des solutions radicales. Mais question d’éradiquer la pauvreté, comme s’y était engagé notre président candidat, qu’en est-il du bilan ?
Le rapport de l’ONPES décrit une nette tendance à la hausse de la pauvreté monétaire constante depuis 2005. Le seuil de pauvreté monétaire, qui s’établit à 954 euros mensuels en 2009 pour une personne seule, concerne 13,5 % de la population, soit 8,2 millions de personnes. Ce pourcentage a augmenté de 0,5 point en un an, ce qui représente presque 350 000 personnes de plus.
Près de 4 millions de personnes disposent d’un niveau de vie compris entre 795 euros et 954 euros par mois.
De 1996 à 2004, comme on peut le constater sur le graphique ci-dessous, le poids des hauts revenus augmente bien plus sensiblement que celui des revenus moyens et modestes.
Les situations les plus préoccupantes se retrouvent parmi les familles monoparentales. En effet, près d’un tiers des personnes vivant au sein d’une famille monoparentale sont pauvres au sens monétaire, soit une proportion 2,3 fois plus élevée que pour l’ensemble de la population. Les familles nombreuses sont également fortement exposées : en 2009, 21,2 % d’entre elles sont confrontées à la pauvreté. Les couples avec un ou deux enfants sont moins touchés et les couples sans enfant enregistrent, eux, les taux de pauvreté les plus bas (7 %).
Les taux de pauvreté sont supérieurs à la moyenne nationale chez les personnes les plus jeunes et chez les femmes de plus de 75 ans :
• près de 18 %, soit 2,4 millions d’enfants de moins de 18 ans sont pauvres monétairement
• près de 25 %, soit plus d’un million de jeunes de 18 à 24 ans sont pauvres, soit le taux le plus élevé pour un groupe d’âge (22,5 %), taux plus important chez les
femmes (23,7 %) que chez les hommes (21,3 %) ;
• plus de 650 000 personnes de 75 ans et plus (soit 12,4 % de cette classe d’âge) sont en situation de pauvreté, majoritairement des femmes (70 %).
Le taux de pauvreté des moins de 18 ans (c’est-à-dire les enfants et les jeunes qui vivent dans une famille pauvre) atteint 17,7 % en 2009, ce qui représente 2,4 millions d’enfants.
On constate également une répartition très inégale sur le territoire français des zones de grande pauvreté, que vous pouvez visualiser ici :
Une observation à modérer cependant : bien que la région Île-de-France se situe en dessous de la moyenne nationale, elle concentre le plus grand nombre de personnes pauvres, en raison de son poids dans la population totale.
Le pire du pire à présent : près de 2 millions de personnes sont en situation de grande pauvreté, c’est à dire avec un revenu de moins de 640 euros par mois pour une personne seule en 2009.
Les statistiques publiques appréhendent difficilement la grande exclusion, notamment lorsque les personnes concernées sont sans domicile ou n’ont pas recours aux prestations sociales, ou encore parce qu’elles sont en situation irrégulière sur le territoire. Dans la seconde moitié des années 2000, l’INSEE dénombrait toutefois 133 000 personnes sans domicile, statistique sujette à caution. Quoi qu’il en soit, plusieurs études pointent des changements profonds du profil de cette population. Les jeunes et les femmes avec enfant(s) représentent une part croissante des personnes identifiées par les associations. Les travaux de l’Observatoire du Samu social de Paris montrent, par ailleurs, que pour la première fois en 2010, le nombre de familles a dépassé les personnes isolées parmi celles hébergées, ce qui pose la question de l’adéquation du dispositif d’hébergement à ces nouvelles populations.
Le surendettement a fortement augmenté depuis 2008. Il touche principalement les populations qui cumulent des difficultés économiques et sociales : recours massif au crédit à la consommation pour compenser de faibles revenus, isolement suite à une rupture familiale, éloignement de l’emploi (chômage, invalidité ou maladie). Aujourd’hui, le surendettement constitue un facteur important de maintien ou d’entrée dans la pauvreté et l’exclusion sociale. Le nombre de dossiers de surendettement déposés auprès de la Banque de France a fortement augmenté. Alors que ce nombre s’était stabilisé entre 2005 et 2007, il a augmenté de 23,3 % entre 2008 et 2011 pour s’établir à 232 500 dossiers.
La pauvreté en emploi touche un travailleur sur quinze. Si l’emploi reste un rempart contre la pauvreté, disposer d’un emploi n’est plus une condition suffisante pour franchir le seuil de pauvreté. Le taux de pauvreté en emploi en France est de 6,7 % de la population en emploi en 2009. Il est particulièrement
élevé pour les jeunes (7,2 %), les personnes isolées (9,1 % pour les hommes et 9,3 % pour les femmes) et surtout pour les femmes seules avec enfants (15,5 %)
Les renoncements aux soins pour raisons financières ont tendance à augmenter et s’expliquent principalement par un cumul de vulnérabilités sociales. Selon le rapport de la commission des comptes de la santé29, le renoncement aux soins pour raisons financières concerne, en 2008, 15,4 % de la population adulte. Le renoncement aux soins se concentre sur les soins dentaires (10 %) et, dans une moindre mesure, l’optique (4 %) et les consultations de médecins généralistes ou spécialistes (3,4 %)
Un panorama préoccupant que nos politiques devraient étudier plus attentivement, et nous annoncer très vite les mesures concrètes qu’ils proposent pour lutter contre cette infamie française. Le degré d’évolution d’une société se mesure en effet à l’attention et à l’accueil qu’elle réserve à ses pauvres. Et à ses vieux. Et quand on est l’un et l’autre… On vous laisse crever ?
Oui, un autre monde est possible, et c’est parce que je pense profondément que seul le programme du Front de gauche peut apporter des solutions à cette situation indigne que, le 22 avril, je voterai pour Mélenchon, et personne d’autre.