Si on écoute les discours, le développement durable ferait partie intégrante de l’ADN de la quasi-totalité des entreprises, avec des racines souvent même plus anciennes que l’apparition de ce terme...
Pourtant, il n’est pas rare de voir des actionnaires torpiller certaines initiatives, comme en témoigne le changement de fusil récent de PepsiCo. Ses ambitions sociétales ont été sérieusement revues à la baisse, ainsi que sa stratégie digitale jugée trop foisonnante et pas assez orthodoxe.
L’histoire est simple. Elle commence avec le seul indicateur valable, la création de valeur : le cours de Bourse de PepsiCo avait perdu 16% entre mai et septembre 2011.
- Les stakeholders de PepsiCo contestent la stratégie digitale de la firme cotée au NYSE, qui représentait un budget croissant.
- Ils s’impatientent de voir la compagnie revenir à son cœur de métier, après qu’elle se soit selon eux dispersée dans une grande créativité numérique comme avec Foursquare, où la firme compterait 10 millions de followers.
- Pepsi Co compte en outre 7,9 millions de fans sur Facebook et 2,4 millions en Inde.
- La multinationale aurait perdu son cap en finançant des start up à travers son incubateur Pepsico10
- Enfin, PepsiCo est accusée d’avoir soutenu de manière dispendieuse des projets communautaires via le programme Pepsi Refresh, qui représenterait un budget annuel de 20 millions de dollars prélevés sur les dépenses marketing.
Au final, les investisseurs, ces dinosaures à rayures comme les appelait Anita Roddick, soulignent l’échec de la stratégie d’Indra Nooyi, CEO de Pepsi, consistant à promouvoir des produits nutritionnels, "good-for-you", comme les flacons Quaker, à la place de ses produits "fun-for-you" (c’est à dire "bad-for-you") comme Mountain Dew et Fritos.
Suivant la tendance de l’engagement des fans sur les réseaux sociaux en leur donnant des récompenses, PepsiCo a même prévu d’accorder des cadeaux aux plus enthousiastes d’entre eux, à savoir une population très ciblée, celle qui se logue à travers des applications comme Nexercise and MapMyRUN.
Ainsi, des cyclistes ou des joggers pourront recevoir des bouteilles d’eau de la marque Propel Zero. Dans l’esprit de Jason Thalappillil, Directeur de l’engagement digital, il s’agit de remercier ces clients d’être actifs.
Mais, cette posture sociétale, réservée à une élite et portée par une femme peu ordinaire, s’est heurtée à un hiatus: ces produits sont moins profitables qu’une boisson rafraichissante et sucrée ou un produit bien gras, qui ont fait leurs preuves. Les révélateurs sont les parts de marché et les bénéfices sans autres fioritures. Fi des amis virtuels, du bénéfice consommateur et de la dictature des community managers. Vive le core business.
“Junk food is still selling, so the company has to go in this regrettable direction”- Kelly Brownell, Rudd Center for Food Policy & Obesity.
Un terme de junk food qui n’est pas sans rappeler le mot « junk bonds », les hauts rendements et le besoin de régulation...La course à la succession d’Indra Noogi serait engagée, un ancien de Wall Mart serait en lice. Certains analystes, comme le mentionne l’Usine Nouvelle, tablent même sur un démantèlement du groupe.
De nombreux spécialistes n’avaient pas manqué de souligner les risques de basculer brutalement une grosse partie du budget publicitaire du Superbowl sur les réseaux sociaux, d’autant qu’à l’Olympe des fans, CocaCola affiche 40,9 millions d’amis. Le programme PespsiRefresh ne semble donc pas avoir fait bouger les lignes.
- A la demande des investisseurs, le vendeur de sodas va nettement augmenter cette année ses investissements publicitaires et marketing dans les boissons à forte marge et les snack foods (500 à 600 millions de dollars additionnels).
- PepsiCo a également annoncé en février dernier la suppression de 8.700 emplois.
Au final, la question est de savoir si la politique de RSE d’une entreprise peut être remise en cause à chaque coup de grisou à Wall Street.
Le cas de Pepsi, parti à la chasse aux amis sur les réseaux sociaux, a montré ses limites. Il y aurait un danger à trop favoriser une seule partie prenante, les internautes, ou une catégorie de clientèle, aux dépens par exemple des actionnaires et des associations de consommateurs.
Une multinationale bien managée doit être capable d’expliquer aux marchés financiers les bienfaits de sa politique RSE et se fixer des objectifs réalistes à partager et y consacrer des moyens.
Lancer une stratégie durable n'est pas facile, cela réclame des étapes, mais cela demeure toutefois plus aisé que pour un chat passer par un trou de souris...
Pour aller plus loin :
Le fléau de l'obésité affecte davantage les populations pauvres et peu éduquées. Le côté ludique et pétillant mis en avant à l’envi par les vendeurs de sodas rappelle par bien des égards la beauté des volutes de fumée de l'industrie du tabac, qui ont dépensé des sommes invraisemblables pour séduire les jeunes, comme avec le Raid Gauloise.
Dans un rapport de 2004, l'OMS recommandait aux Etats de limiter la consommation de sucres, de sel et de graisses, et de consommer davantage de fruits et légumes. Et pour atteindre ces objectifs, l'OMS encourageait les Etats à taxer les sucres et les graisses et à réglementer la pub, afin de mettre les industriels et les distributeurs sous pression. Une idée reprise dans le rapport de Jalma, « 12 propositions pour 2012 »
http://www.jalma.fr/
Vu de Grande-Bretagne
Eliane Glaser, qui est productrice à la BBC, a publié le 15 mars dernier un ouvrage « Get Real: How to Tell it Like it is in a World of Illusions”chez Fourth Estate, dont certains feuillets ont été diffusés sur Internet. Elle y dénonce certaines dérives de l’industrie agroalimentaire ainsi que la faible implication des dirigeants politiques sur ces questions.
Elle critique ouvertement l’approche du Secrétaire à la santé Tory, Andrew Lansley, qui aurait tendu selon elle une oreille un peu trop attentive aux propos de l’industrie, notamment sur la législation Light. Pour elle, l’idée que McDonald's, KFC et Pepsi participent au débat sur la santé publique dépasse tout ce qu’avait pu imaginer Orwell.
"There's a huge denial of inequality here: between consumers and corporations, and also between different kinds of consumers. In reality, there is one group of shoppers that can afford to be ethical and another that can't. The fact is, people on low incomes are more likely to buy food that is bad for them and bad for the environment. But corporations and governments take advantage of the taboos of false consciousness and inequality in order to protest that they are simply letting consumers choose what they want. We are labouring under the delusion not only of freely available, low-cost, great-quality, nutritional food, but also of a level playing field of money, power and information."
Sur le changement de stratégie de PepsiCo
Pepsi Challenge: Keeping Investors and Consumers Happy, and the Wolves from the Door
http://www.brandchannel.com/home/post/2011/11/17/PepsiCo-Challenge-111711.aspx
PepsiCo et l’eau
PepsiCo est partenaire dans le domaine de l’eau du Columbia Water Center, qui fait partie du Columbia University's Earth Institute. Voir la dernière vidéo.
Le “UN’s CEO Water Mandate” est une initiative publique/privée lancée en juin 2007. Elle est supportée par le secteur privé, comme HCC (Hindustan Construction Co.), Coca-Cola, PWC, Levis Strauss, PepsiCo, Veolia Water France, Danone, Unilever UK et Nestlé.
De leur côté, GE, Goldman Sachs et Bloomberg ont noué un partenariat avec le projet World Resources Institute’s Aqueduct dans le but de rassembler de manière plus efficace des données fiables sur l’eau. Google Earth joue en outre un rôle pédagogique en présentant les risques encourus et participe à l’Amazon for World Forest Day.
PepsiCo and The Nature Conservancy (TNC)
http://performancenotes.pepsicoblogs.com/2011/08/pepsico-and-the-nature-conservancy-announce-initial-findings-of-positive-water-impact-pilot/
En 2010, PepsiCo a fait l’impasse sur le passage d’un spot publicitaire lors du Superbowl. Le fabricant de boissons sucrées a préféré consacrer 1,3 million de dollars par mois au soutien de projets associatifs…
http://ong-entreprise.blogspot.fr/2010/02/les-patrons-de-demain-devront-avoir-une.html
Ces marques qui veulent se faire des amis durables
http://ong-entreprise.blogspot.com/2012/02/ces-marques-qui-veulent-se-faire-des.html
Sur ce blog, 27 juillet 2011
Depuis sa création, City Year, qui bénéficie du soutien d’Americorps, a acquis une solide culture du monde des entreprises. Elle dispose outre Timberland, de mécènes de premier plan, les «National Leadership Sponsors », comme Bank of America, Cisco Foundation, Comcast, Deloitte, Pepsi et T-Mobile USA...
http://ong-entreprise.blogspot.fr/2011/07/les-lecons-dun-partenariat-historique.html
Coca Cola vivement contesté en Inde
INDE et l'eau pompée par coca cola par Zenoxy