La situation initiale est simple et très marivaudienne, deux êtres éplorés, déçus par l’amour, se trouvent rapprochés par une complicité d’amitié. Ils ont soupiré, ils ont été blessés, ils ont plu, ils ont voulu plaire, prennent plaisir à se le dire, à se le faire remarquer, à analyser le flou du sentiment, à se l’entendre dire, à se sentir seuls et à nouveau disponibles sans pour autant consentir à se vouloir abandonnés.
Car la machine à séduire est prompte à se déclencher et il est toujours si doux et enivrant de tomber peu a peu dans les mailles du filet amoureux. C’est à ce plaisir là que cèdent facilement les deux amants blessés qui se recomposent un visage et un cœur et qui finissent par s’avouer qu’ils s’aiment.
La pièce est un peu lente, manque de rythme, mais l’analyse est toujours aussi fine… c’est le scalpel du naturaliste qu’on devine derrière les ombres des amants… Et l’obsession de Marivaux à faire durer cette situation de jeu qui précède la « chute dans le mariage ». Le metteur en scène l’a bien compris quand, dans les derniers instants de la pièce, il fait allumer la salle. Les personnages disent alors, disent enfin, « qu’il faut se marier » et la belle lumière de rêve dans laquelle baignait la scène a cédé la place à la lumière crue des hommes et du monde et de la fin du spectacle jubilatoire des cœurs qui battent déjà beaucoup moins fort.