Les choses se sont mises à changer. Soir ou matin, je ne courais désormais plus après le métro. J’attendais les suivants. Je prenais mon temps. Le temps était devenu moins abstrait et me faisait moins peur paradoxalement. Ces semaines qui précédent le départ ressemblent à une course de fond dans laquelle je ne cours pas. Ainsi je sentais l’effort dans mes jambes et dans ma tête sans rien faire. Je ne faisais rien d’autre que réfléchir. Je réfléchissais à l’avenir, à ce que j’aimerais faire, à tout ce que je n’ai pas fait, à comment faire tout ce que je n’avais jamais fait. Je me sentais légère dans ce flot de pensées.
Jusqu’ici j’ai beaucoup trop couru.
Un jour, pour attraper le métro, j’ai mis mes mains entre les portes et je me suis pincée très fort. J’ai cru que j’allais être emportée par la machine. La femme de l’autre côté de la vitre faisait la même tête que Janet Leigh sous la douche dans Psychose. J’ai tiré de toutes mes forces. Ma bague est tombée de l’autre côté, les portes se sont refermées. Puis réouvertes. J’ai sauté dans la rame, j’ai récupéré ma bague. Le métro est parti. J’ai laissé mon fiancé – qui n’aime pas courir – sur le quai. C’était un week-end. J’ai crié très fort dans ma tête What’s wrong with me?
Il y a quelques semaines, lorsque sont parus les vidéos Ce que disent les Parisiens et Ce que disent les Parisiens au bureau, je me suis sentis à 500% parisienne.
Et je me suis demandée s’il était possible de se déparisianiser en quittant pour de bon Paris.
Comme tout parisien qui se respecte, je suis faites de manies, d’habitudes, je suis une somme d’oxymores. Flemmarde pressée, hédoniste dépressive, procrastinatrice impatiente.
Le temps est mon pire ennemi. Le Parisien dit souvent qu’il n’a le temps de rien. C’est un gros mensonge.
Ce matin, je lisais le témoignage d’une infirmière en soins palliatifs, passant en revue le top 5 des regrets des personnes mourants :
1. « J’aurais aimé avoir le courage de vivre une vie conforme à mes attentes et non à celles que les autres voulaient pour moi »
2. « J’aurais aimé ne pas m’être autant acharné dans le travail »
3. « J’aurais aimé avoir le courage d’exprimer mes sentiments »
4. « J’aurais aimé resté en contact avec mes amis »
5. J’aurais aimé m’être autorisé à être plus heureux
C’est là qu’on se rend compte que le temps n’est qu’un prétexte pour remettre à plus tard des priorités. On ne fait que ce qu’on a envie de faire. Avec du temps ou pas.