Les usages et les outils 2.0 ont donné le pouvoir aux citoyens. Pouvoir s’exprimer sur un blog, partager sur Facebook ou Twitter donne de l’influence ou au moins de l’audience. La plupart des organisations ont compris qu’il s’agit d’une tendance lourde et s’y adaptent avec plus ou moins de bonheur. Mais j’ai parfois l’impression que l’empowerment s’arrête sur le pas de porte des entreprises. A l’extérieur, la marque blogue, twitte, anime des pages Facebook. A l’intérieur, tout reste souvent concentré dans les mains de quelques gourous relevant du marketing ou de la communication. On continue parfois à fonctionner à l’ancienne, comme si les collaborateurs n’étaient pas des citoyens comme les autres, comme s’ils n’avaient pas d’activité en ligne.
Les communicants et la politique de l’autruche
Les experts de la com’ et du web sont convaincus d’en savoir plus que les autres sur les techniques et les usages du web et de la com’. Ils ont le plus souvent raison. Pourtant, cela n’empêche pas les collaborateurs de communiquer à l’extérieur. Quotidiennement, ils envoient des mails à des clients, ils téléphonent à des partenaires, ils discutent avec des prestataires… mais les communicants imaginent sans doute que cette communication est invisible.
Seule compte pour eux la communication officielle, la leur. Le reste n’existe pas, les autres grouillots ne savent pas s’exprimer, ils ne sont capables que de produire des textes indigestes qui servent au mieux de base de travail. Les communicants professionnels ne peuvent imaginer qu’un de ces incapables puisse tenir un blog personnel, qui aura parfois plus d’audience et d’engagement que le site officiel. Les communicants professionnels ne se remettent pas en question, alors même qu’ils sont rarement exempts de tout reproche. J’en veux pour preuve certains communiqués de presse souvent abscons et inadaptés à la cible.
L’expertise communication au service de la communication de l’expert
L’histoire va dans le sens de la décentralisation de la communication, interne comme externe. Privez les collaborateurs de moyens de s’exprimer, ils en trouveront d’autres, plus officieux et donc invisibles aux yeux des professionnels de la com’. C’est là le danger. Les collaborateurs vont communiquer sans filet, sans connaître les usages et les outils. Bien sûr, ils vont apprendre de manière empirique mais à quel prix ?
Le nouveau rôle des experts ès communication est d’accompagner plutôt que de brider la prise de parole des collaborateurs (et des dirigeants aussi d’ailleurs). En transmettant leur savoir plutôt qu’en le gardant jalousement, ils assurent une communication publique des collaborateurs en phase avec l’identité et la stratégie de l’entreprise. En réalité, les experts en communication confortent voire assoient leur légitimité. Ils facilitent également la collaboration au quotidien avec les collaborateurs en apprenant à travailler en partenariat plutôt que dans une relation client-fournisseur. La pratique du média training est assez répandue, pourquoi ne pas inventer le social media training ? A terme, le bénéfice pour l’organisation est de réduire le fossé qui sépare souvent la communication des organes officiels et celle, officieuse et quotidienne, des collaborateurs.
Pistes d’action pour les experts web, com’ et marketing
Pour la plupart des organisations, il s’agit d’une véritable mutation culturelle. Voici quelques pistes d’action, à compléter et à adapter :
- créer un groupe pilote en amont, comprenant des personnes respectées par les autres collaborateurs et qui pourront être les ambassadeurs de la démarche
- partager l’identité, la stratégie, les objectifs, les missions de l’entreprise et s’assurer de leur appropriation
- co-construire une charte d’expression (1 page maxi)
- travailler sur des cas théoriques et identifier les bonnes pratiques
- accompagner les premières prises de parole
- évaluer les résultats et affiner
- élargir le groupe et recommencer !
Pour accompagner le changement, je ne crois pas au big bang, à un événement où on réunit 150 personnes pour leur expliquer la vie pendant 2 heures. On risque l’effet soufflé : tout le monde repartira enchanté et convaincu, l’expert sera content des premiers résultats puis tout s’étiolera. Il faut au contraire agir sur la durée, gagner la confiance des collaborateurs un par un. Je résumerais la méthode en une formule (magique) : l’appropriation comme une fin, la participation comme un moyen.