Il semblerait, de par l’expérience qu’en avait nos prédécesseurs, que la castration favorise un comportement de serviteur zélé – plutôt que de maître abusif – ce qui est toujours souhaitable chez ceux en qui on place de hautes responsabilités et dans les mains desquels on concentre les pouvoirs.
Par J. Sedra.
Combien de fois avons-nous été déçus par nos élites ? Il semblerait bien que chaque nouveau lot de scandales, chaque nouveau retournement de veste inopiné, chaque nouvelle découverte de corruption et de népotisme parmi ceux à qui nous confions les rênes du pays s’accumulent et s’empilent en un vertigineux mont de dégoût, alimentant toujours plus la défiance envers l’État, à mesure que le temps passe. Et pourtant, un tel écueil a pu être évité ou tout du moins prévenu en grande partie.
Ce n’est pas du tout une plaisanterie, et la question est absolument sérieuse et pertinente, même (surtout !) aujourd’hui : chez les sumériens comme dans l’empire assyrien, plus de 2000 ans avant J-C. et dans les administrations complexes de la Chine, en passant par les empires romain et byzantin, et ce jusqu’au XVIème siècle et même au-delà, la pratique de la castration pour les fonctionnaires de l’État et des administrations était, pour des millions de gens et pendant des millénaires, une évidence… avec de bonnes raisons de l’être, raisons qui peuvent tout à fait s’appliquer à nouveau de nos jours.
Les eunuques ont une très longue histoire, et leur place prévalente voire même exclusive dans les administrations de nombreuses civilisations du passé ayant autrement peu en commun ne peut s’expliquer que par l’expérience pratique et donc les résultats bien concrets de ce choix délibéré : par exemple, même dans l’empire byzantin où la religion s’opposait avec véhémence à cette pratique, on persistait à préférer presque systématiquement les eunuques à n’importe quel autre candidat pour assurer le bon fonctionnement des institutions… et ce n’est certainement pas un hasard.
Qu’ils aient été gardes de palais, fonctionnaires d’état civil et du trésor, domestiques particuliers des seigneurs, assignés aux archives ou bien occupant les postes les plus hauts – ministres, diplomates plénipotentiaires, chanceliers, généraux et amiraux, vizirs, chefs des services de renseignement ou même espions, membres éminents du clergé, grands chambellans, juges et autres chefs de palais ou de cérémonies, on en retrouve la trace persistante partout dans les appareils d’État développés et complexes des Assyriens, des Chinois, des Japonais, des Byzantins, des Égyptiens, des Perses, des Grecs, des Romains, des Vietnamiens, des Coréens, des Ottomans, dans les Califats, et encore tant d’autres… et pourtant ils n’étaient socialement, à l’origine, que les derniers des esclaves : par exemple, en Chine, la castration était initialement le châtiment réservé aux violeurs, doublé de servitude à vie, mais avec l’ascension sociale des eunuques, celle-ci est vite devenue un critère obligatoire pour entrer au service de l’empereur, au point que l’auto-castration est même devenue courante chez ceux qui briguaient ces postes prestigieux. Les non-eunuques en venaient souvent à jalouser les eunuques, intriguant contre eux ! Une telle évolution, et une telle reconnaissance, répétée pendant des siècles par autant de nations, de l’adéquation manifeste entre la castration totale et les fonctions d’État doit forcément pouvoir s’expliquer.
- Pour commencer, appliquer la castration définitive comme critère d’entrée au service de l’État résout un nombre non-négligeable de conflits d’intérêt : plus un fonctionnaire se trouve à un poste important, et plus il peut être tenté de détourner son autorité au profit de sa propre famille, particulièrement pour favoriser sa descendance (Sarkozy, EPAD). Avec la castration complète (accompagnée de célibat, donc), si elle est réalisée au début de la vie d’adulte, il n’y a plus ni descendance ni conjoint, donc ce type de corruption est évité entièrement. Cela évite aussi la formation de dynasties ou de baronnies où l’on se transmet un poste, une mairie, ou quelque autre responsabilité, de parent à enfant (ou d’oncle à neveu, ou que sais-je encore), accaparant le pouvoir au détriment de tous.
- Ensuite, c’est la meilleure méthode pour se prémunir d’une grande quantité de problèmes de harcèlements (Tron), de scandales d’ordre sexuel (DSK), de paternité cachée (Mazarine) et autres complications et embarrassements publics (Clinton), garantissant mieux l’intégrité du sommet de l’État et évitant aussi au passage de disperser leur action et leur concentration en futilités. Les garanties supplémentaires que cela apporte à leur réputation ne sont pas non plus négligeables : impossible de les salir par des accusation de viol ou de s’être laissés mener par le bout de la braguette.
- Et enfin, le coût personnel élevé que cela représente assure d’un minimum d’implication et de conviction – oserais-je dire de vocation – de la part des candidats aux plus hautes fonctions de l’administration. Il n’y a pas de retour possible, après tout. Cela permet d’éviter la professionnalisation de la politique, donc d’attirer les gens en mal d’enrichissement indu et rapide, ou les ambitieux conduits par la soif de pouvoir, pour ne garder que ceux disposés à se consacrer réellement à leur charge. Il semblerait aussi, de par l’expérience qu’en avait nos prédécesseurs, que la castration favorise un comportement de serviteur zélé – plutôt que de maître abusif – ce qui est toujours souhaitable chez ceux en qui on place de hautes responsabilités et dans les mains desquels on concentre les pouvoirs.
Ne balayons donc pas sans réfléchir la sagesse des grandes civilisations qui nous ont précédé. Cyrus le Grand, fondateur de l’empire perse, savait ce qu’il faisait en nommant des eunuques à chaque poste dans son palais. De même, on ne peut pas rejeter le bon sens des Romains et après eux des Byzantins quand ils leur confiaient la bonne marche des aspects les plus importants de leur société… et ce pendant plus d’un millénaire ! Et ce n’est pas un hasard si les eunuques accumulèrent tant de prestige et d’influence, particulièrement sous la prospère dynastie Han, en Chine. Très sérieusement, donc, en regard des leçons du passé comme celles du présent, la castration devrait être une étape obligatoire et éliminatoire dans l’examen d’entrée à l’ENA et même au concours de la fonction publique, au niveau national.
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