De temps à autre, au fil des rebondissements de l’actualité, on est en droit de se poser des questions : l’IATA, l’AEA, l’ACI, etc., c’est-à-dire les grandes organisations professionnelles du transport aérien, n’auraient-elles pas tendance à souffrir d’une forme subtile d’arrogance ? Les entreprises qu’elles représentent ont-elles vraiment l’influence, le poids économique, qu’elles s’attribuent ? Et sont-elles vraiment capables de réellement peser sur les décisions politiques qui les concernent à un titre ou à un autre ?
Le transport aérien mondial assure actuellement l’acheminement d’environ 2,7 milliards de passagers par an, ce qui est impressionnant, quel que soit le critère retenu. Mais on peut tenter de mieux répondre à la question en se limitant à l’Europe, pour éviter des statistiques exagérément impressionnantes et qui correspondent à des notions que l’on serait tenté de qualifier d’anonymes.
Retenons plutôt les calculs d’Oxford Economics, établis à la demande de l’AEA. Ils font état de 605,8 millions de passagers annuels, acheminés entre 701 aéroports avec 6.585 avions. Il y manque les compagnies low cost, qui évoluent dans un monde à part, sinon isolé, et qui approchent des 200 millions de passagers par an, soit un total de l’ordre de 800 millions. Il suffit d’égréner ces chiffres et d’affirmer que la messe est dite : oui, le transport aérien pèse très lourd dans le bon fonctionnement de nos économies, il leur est totalement indispensable.
Oxford Economics estime que le secteur assure 1,9 million d’emplois. Dont 519.000 au sein des compagnies aériennes elles-mêmes, 220.000 auprès des «opérateurs» aéroportuaires (sur un plan technique) et 827.000 sur les aéroports à proprement parler. C’est-à-dire la multitude de métiers de tous ordres qui vont de la sûreté aux douanes en passant par les boutiques, les restaurants, etc. Une offre qui ne cesse de s’élargir et de se diversifier.
D’autres aspects de ces calculs, tout en étant crédibles, ne se vérifient pas facilement. Ainsi, Oxford Aeronautics estime que le volet civil de l’industrie aéronautique européenne occupe 290.000 personnes, ce qui paraît beaucoup. Mais sans doute s’agit-il là du résultat d’une addition minutieuse qui ne néglige aucun équipementier, y compris ceux situés en amont et en aval des donneurs d’ordres de tous rangs.
Dans le même esprit, reconnaissons-le, un zeste d’incrédulité apparaît quand il est questions des emplois indirects qui seraient au nombre de 3,6 millions. Mais ce repère inclut évidemment une bonne partie du secteur touristique, lequel a pris une ampleur insoupçonnée.
Les économistes anglais tablent prudemment sur une croissance annuelle moyenne du trafic de 4,3%, légèrement inférieure à celle affichée par la plupart des spécialistes. Mais, sur cette base, le trafic n’en devrait pas moins doublier d’ici à 2030 avec, entre autres conséquences, la création de 840.000 emplois.
A la limite, peu importe que ces données ne soient que des ordres de grandeur. Elles ont le mérite de confirmer que la tranquille assurance du secteur aérien, sa quête d’influence, s’appuient à juste titre sur le poids des chiffres et le choc des statistiques.
Pierre Sparaco - AeroMorning