Course échevelée jusqu’au bas de la dune, les bras écartés. Odeur forte de marée. Défilé de toutes les plages. Plage, sable, horizon, plage, sable, horizon... Phare de Chauveau où ton arrière-grand-père allait pêcher le crabe, de l’autre côté des écluses. 11h00. Marée basse, sable humide. Par delà Oléron, un immense treillis de soleil monte lentement, fait vibrer l’espace de la plage, chauffe le sable et les coins d’eau entre les rochers. Crevettes rosissant dans les flaques. Tu passais des heures à la pêche à pied.
Les baskets sur les cailloux font désormais un bruit de coquillage. Il monte à ton oreille et tu entends la mer. Coques, berniques, coquilles d’huitres, couteaux tirés au ras du sable. Derrière toi, une fille gracile voltige entre les galets. Tu as toujours admiré la dextérité des filles à la pêche à pied. Elles ne mouillaient jamais leurs chevilles.
Slalom entre les galets. La plage, c’est fini. Jeunes filles en fleurs sous les parasols. Tu reprends ton vélo à regret... Tu dois rentrer à toute vitesse. A l’heure du souper, les aïeux assis près de la grande horloge n’aiment pas attendre trop longtemps. Déjà l’odeur de la soupe aux crustacés remplit l’espace de la maison rue du 14 juillet.
Pistes de sable où le pied s’enfonce. Route blanche entre les vignes, piste cyclable. Le pignon rouillé de ton biclou tourne comme une vieille horloge. 11h15, le pas s’est alourdi. Tu n’a plus dix-sept ans ! Dans les courses à pied, à l’inscription, si tu as au-delà de trente cinq ans, tu es un « vétéran ». Cher clocher de Sainte-Marie posé sur l’horizon. Clocher de Tansonville de Marcel Proust... Méandres de mémoire tout autour de ce repère sacré qui sonnait bon les vacances d’été. Après le bac et le phare de Chauveau, c’était lui le gardien.
Petit sentier malaisé devant la thalasso. Robes de chambres blanches devant l’hôtel de Balbec. C’est le même océan que celui d’Elstir. Coups de pinceaux dans le bleu de la mer. Les Charlus et les Guermantes vous regardent passer. Les cuillères tintent au fond des tasses. Du thé, un nuage de lait, peut-être un bout de madeleine ? Souvenir d’un repas de noces d’or, phare de Chauveau, pêche au crabe. L’arrière-grand-père a quitté son île. Il a emprunté le pont pour la première fois. Il n’est plus revenu promener sa gourbeuille du côté des rochers.
Retour à travers les vignes, le bon petit vin de l’ile et le sable d’or qu’il dépose sur le palais de la mémoire.