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Les choses d'en-bas

Par Marellia
A propos de Rosa mística de Marosa Di Giorgio [Interzona, 2003]
Les choses d'en-bas
La poésie de l'uruguayenne Marosa Di Giorgio [1932-2004] fait partie de ces découvertes d'autant plus surprenantes qu'elles sont inattendues. Je connaissais vaguement son nom, que j'associais de manière un peu automatique à ces "raros" uruguayens [Felizberto Hernandez, Mario Levrero ...] qui m'ont toujours fortement attirés, mais si je n'étais pas tombé par un heureux hasard dans une librairie parisienne sur un exemplaire de son recueil de récits érotiques Rosa mística l'affaire en serait sans doute resté là. Il est heureux qu'il n'en ait pas été ainsi.
Je ne suis pas un grand connaisseur de poésie, je n'en lis quasiment pas, et pourtant, face à ces textes là, difficile de rester de marbre. Pour un lecteur rétif par méconnaissance et/ou à priori à la poésie, les textes de Di Giorgio offrent le double avantage d'êtres d'une part plus proche de la prose que du vers, et d'autre part d'êtres narratifs. Rosa mística est d'ailleurs présenté, comme je le disais plus haut, comme un recueil de récits.
Les textes de Marosa Di Giorgio oscillent de manière déconcertante de la candeur à la perversion, décrivant avec le ton d'une enfance plus perpétuelle que retrouvée (une enfance au présent) une nature non pas idyllique mais de l'ordre du merveilleux, un merveilleux moins magique que réaliste, où les animaux, les plantes et les humains semblent vivres sur un pied d'égalité. Ici les animaux, les plantes parlent. Cet univers que l'on voudrait croire naïf n'est pas sans inquiétudes et sans violences. Il est aussi sexué. Ces récits érotiques sont d'un érotisme froid, parfois douloureux, ces attouchements - parfois entre humains et animaux, ou entre plantes et humains - sont des plus ambiguës. L'enfance, la nature, une sexualité perverse, on baigne ici dans un proto-mysticisme subtil, qui possède la force ou l'évidence d'une vérité qui ne serait pas tant une vérité que l'expression exacte, sans fard, d'une perception.
La lecture de Di Giorgio est une expérience forte, de celles qui nous en font relativiser beaucoup d'autres. Plutôt que d'écrire encore quelques tartines, je propose à la suite un poème extrait du livre, d'abord en v.o., puis dans une traduction de mon cru :
L'original :
El bosque de casuarinas donde un día se presentó el Diablo.
-¿Se presentó el Diablo?
Sí, y todo tejido en lana roja y negra. Como una manta y un saco.
Yo era chica y dije: -¿Qué es un diablo?
Era adolescente y quedé alelada.
Era una mujer y quedé picada.
Me le acerqué, pero no mucho, porque no se podía; a ratos, parecía que no estaba.
De pronto dije:
-Yo soy una princesa. Pero, legítima; no e pacotilla como las que salen en los diarios.
Al oír esta oración extraña, parpadeó, aunque sus ojos eran inmóviles, y algo se asombró.
Quedaba tieso. Parecía un objeto, un tejido olvidado.
Yo, por aliviar las cosas, vencer esas extrañezas, fui hasta la cocina, tomé, desde un platillo, dulces de higo, salí a mirar las ramas.
Pero, él ya estaba allí; con un salto invisible y opaco, ya estaba allí.
Le dije: -Diábolo.
Él contestó: -Mariposa Glicina. Y Glicina Mariposa.
Llamándome así por mis nombres prohibidos, pues, por salvarme de todo mal, no me habían hecho figurar en el Registro.
Me acerqué a su lana. Él dijo: -Vayamos a los infiernos donde están nuestros hermanos.
-¿Cómo…?!!
Di un grito que no se oyó.
Pero, le tendí los dedos, que él acarició por sumo instante. Pidió: -Y dame las cosas de abajo.
Aunque parezca mentira me acerqué y separé las piernas.
Él buscó y encontró los orificios; lamió y hendió; uno a uno, los lamía y los partía. Yo, un poquito, brincaba. Dijo: -Vayamos al infierno, ya. Eres de las que sirven bien. Vamos, bromelia, móntate en mi lomo. Y vamos.
Les choses d'en-bas
Ma traduction :
Le bosquet de casuarinas où un jour le Diable fit son apparition.
- Où le Diable fit son apparition ?
Oui, et entièrement tissé de laine rouge et noire. Comme une couverture et une veste.
J’étais petite fille et dis : - Qu’est-ce qu’un diable ?
J’étais adolescente et restais hébétée.
J’étais une femme et restais agitée.
Je m’en suis approchée, mais pas de beaucoup, car cela n’était pas possible ; par moments, il semblait ne pas être là.
D’un coup, je dis :
- Je suis une princesse. Mais légitime, pas une princesse de pacotille comme celles que l’on voit dans les journaux.
À entendre cet étrange énoncé, il cligna des paupières bien que ses yeux fussent immobiles, et s’étonna quelque peu.
Il se maintenait droit. Il ressemblait à un objet, à un tissu oublié.
Pour alléger les choses, vaincre ces étrangetés, je m’en fus jusqu’à la cuisine, pris depuis une assiette des figues confites, et sortis regarder les branches.
Mais il était déjà là ; d’un saut invisible et opaque, il était déjà là.
Je lui dis : - Diabolo.
Il répondit : - Mariposa Glicina. Et Glicina Mariposa.
M’appelant ainsi de mes noms secrets, car, afin de me protéger de tout mal, on ne m’avait pas fait paraître au Registre.
Je m’approchais de sa laine. Il dit : - Allons aux enfers où sont nos frères.
- Comment … ?!!
Je poussais un cri qui ne s’entendit pas.
Mais je lui tendais les doigts qu’il caressa en un instant qui culmine. Il demanda : - Donne moi donc les choses d’en bas.
Que l’on me croie ou que l’on ne me croie pas, je m’approchais et séparais les jambes.
Il chercha et trouva les orifices, lécha et fendit, un à un, il les léchait et les séparait. Moi, je me cambrais un peu. Il dit : - Allons en enfer, maintenant. Tu est de celles qui servent bien. Allons-y, bromélie, monte sur mon échine. Et partons.

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