Michel Blazy, Fontaine de mousse, 2007, Poubelles, bain moussant, compresseur, tuyaux
Normalement, pendant qu’on visite une exposition, nous négligeons les cartels, ces petits bouts de papier qui accompagnent les oeuvres d’art d’où on tire tout un tas d’informations, n’est-ce pas?
On se concentre sur ce qu’on voit, on n’a pas trop envie de se pencher sur les dates ou les matériaux, au maximum on lit le titres, en espérant qu’ils puissent nous aider à comprendre un peu plus.
Mais les oeuvres de Michel Blazy, pour qu’elles suscitent l’émerveillement et la curiosité, demandent une petite pause devant les cartels et notamment devant la liste des matériaux.
Michel Blazy, Paysage avec oiseaux, 2009, détail, crème dessert au chocolat et à la vanille, oeufs, lait concentré sucré, chapelure sur bois grignoté par des souris
Prenez cette image, qui représente le détail d’un mur. Le titre, Paysage avec oiseaux, est très clair. Mais si on poursuit la lecture, on tombe sur une liste bien intéressante: crème dessert au chocolat et à la vanille, oeufs, lait concentré sucré, chapelure sur bois grignoté par des souris. Bref, ce n’est pas du tout de la peinture.
Michel Blazy ne fréquente pas ces merveilleux magasins de Beaux Arts, pleins de tubes de couleurs et d’autres matériaux “pour artistes”. Il fait plutôt ses courses au supermarché. Il crée avec des matériaux vivants, qui continuent à évoluer pendant la période de l’exposition, voir plus.
Ses oeuvres, on peut les admirer, mais surtout les sentir, ce qui malheureusement n’est pas possible à travers l’écran de l’ordinateur. C’est pourquoi je vous conseille très vivement de visiter ses expositions, c’est une véritable expérience plurisensorielle.
Michel Blazy, Patman II, 2006, Vermicelles de soja, colorant alimentaire, Collection Guillaume Houzé, Paris, vue de l'exposition au Palais de Tokyo en 2007
Regardez ce visuel, qui montre un détail de son exposition récente au Palais de Tokyo en 2007: au milieu de la salle se dresse un curieux personnage: regardez de plus près et puis essayez de comprendre de quel matériaux il est composé. Il s’agit de nouilles de soja, vous l’avez bien compris, et le personnage s’appelle Patman.
Michel Blazy, Sans titre (au choix du propriétaire), 2005, mousse à raser et mousse polyuréthane, dimensions variables
Michel Blazy aime bien se marrer en faisant de l’art, pour lui l’art n’est pas sérieux comme on pourrait le croire en lisant les critiques et parfois en visitant certains musées. Il aime créer des oeuvres qui n’ont aucune possibilité d’être conservées dans des musées dans des vitrines à l’abri de toute transformation : des énormes caniches presque monstrueux en mousse, des fontaines de mousse dans des bacs à poubelle, des sculptures faites avec des écorces d’orange… Quelques unes ont même disparu (les chiens en mousse par exemple), d’autres continuent à exister mais elles ont changé de couleur, d’odeur et de forme (la sculpture d’oranges par exemple ou les murs).
Michel Blazy, Sculptcure, 2003-2007, écorces d’orangesC’est une attitude très ironique, vous ne trouvez pas? La plupart des artistes est très soucieux de conserver ses oeuvres, pour les vendre, les admirer de temps à autre, ou tout simplement parce qu’il les considère comme très précieuses.
Dans le cas de Michel Blazy, c’est le geste de l’artiste, accompagné par celui du temps et celui de la nature des matériaux spéciaux qu’il emploie, qui font une oeuvre. L’artiste n’y participe qu’en partie, en choisissant la forme initiale d’une installation, ou les matériaux qu’il veut utiliser. Ensuite, ce sera l’imprévu qui travaillera à sa place.
Petit conseil pour les prochaines expositions: consacrez une petite minute pour lire les légendes!