Composée à partir du roman de Diderot, "Jacques le fataliste et son maître", cette pièce de Milan Kundera est un petit bijou d'intelligence, de drôlerie, et d'esprit que Nicolas Briançon a décidé de monter pour la troisième fois. Confessant n'avoir pas assisté aux deux premières versions, nous n'évoquerons ici que celle qui nous est donnée à voir actuellement à la Pépinière Théâtre et qui se révèle une réussite totale.
Vous connaissez l'histoire. Jacques et son maître sont en voyage et profitent du trajet pour échanger. Ils se confient sur leurs frasques amoureuses respectives, discourent sur le plaisir, la fidélité (en amour comme en amitié), les rapports maître-valet, la vie, la liberté, le libre arbirtre, Jacques affirmant (souvenez-vous) que "tout ce qui nous arrive ici bas est écrit là haut", nul ne pouvant échapper à son destin. Les propos sont donc multiples, aussi légers et divertissants que riches de sens et d'enseignement.
Tout comme l'oeuvre de Diderot, dans sa forme, bousculait les codes du roman (interruption du récit, digressions, interpellation du lecteur...), celle de Kundera joue avec ceux du théâtre. Représentation dans la représentation, protagonistes dissertant sur la mise en scène, sortant de la situation dans laquelle ils se trouvent pour intégrer et vivre celle qu'ils sont en train de raconter... Les personnages ont de l'épaisseur, les dialogues sont délectables, fins, drôles, vifs et brillants.
Simplicité, rigueur, évidence et fluidité sont quant à eux les mots qui qualifient le mieux la mise en scène de Nicolas Briançon, réglée à la manière du théâtre de tréteaux. On apprécie lorsque cet artiste talentueux va chercher l'essence d'une oeuvre sans effet "poudre aux yeux" (on pense au "Songe d'une nuit d'été", honnête mais un peu facile et superficiel, qu'il proposa l'an dernier). Il est par ailleurs un Jacques des plus touchants, et le duo qu'il forme avec l'excellent Yves Pignot, dans le rôle du maître, fonctionne formidablement bien. Entourés de huit autres comédiens au jeu tout aussi juste et enlevé, ils embarquent dans leurs valises, pour un fort beau voyage, les spectateurs avides de réflexion comme de divertissement.
Allez-y !