Heu-reux. Les militants du Parti communiste après des années de traversée du désert relèvent la tête. Le résultat calamiteux de 2007, quand Marie-George Buffet n'avait rassemblé sur son nom que 1,93% des suffrages, n’est plus qu’un mauvais souvenir. Aujourd’hui, le tour de passe-passe sur la tête d’affiche est un succès. Si le PCF se fait discret, le programme porté par le leader du Front de Gauche a été élaboré en partie par lui. Et ça marche. Avec plus de 10% d'intentions de vote, Jean-Luc Mélenchon casse la baraque.
Il ne faut pas s'y tromper. Le Front de Gauche ne relève pas de la génération spontanée. Le gros de ses troupes est constitué de communistes qui en assurent l'ossature et excellent dans l'organisation et la mobilisation de terrain. Reste à savoir si Mélenchon, en admirateur de François Mitterrand, finira le travail engagé par son modèle. Si après avoir acheté la marque PC pour l'euro symbolique, il en assurera la liquidation par un dépôt de bilan définitif à l’issue de la présidentielle.
Plus que le bruit et la fureur, Mélenchon, c'est le culot et l'opportunisme dans un mélange de populaire et de populisme. Un gavroche sexagénaire prompt à haranguer les passants et les puissants avec en fond de commerce une révolution de salon. Face à un François Hollande qui se refuse à formuler des promesses intenables, le Front de Gauche, grâce à la gouaille de son leader, a un boulevard devant lui.
Le principal reproche formulable au Front de Gauche, c'est d'user des mêmes ficelles que le FN. C'est de dresser un état des lieux de la société et un diagnostic du monde, pertinents mais de leur apporter des solutions simplistes en promettant le grand soir. De bonnes questions mais, de mauvaises réponses. A titre d’exemple, le constat qu'il est aujourd'hui quasi impossible de vivre décemment avec un salaire de 1 000 € est largement partagé. Mais, promettre comme seul remède un SMIC à 1700 € est illusoire, sinon mensonger, au regard de l'exposition des entreprises françaises à la concurrence étrangère.
C’est parce que le choc avec la réalité risque d'être rude que Mélenchon a écarté d'entrée toute participation possible à un gouvernement. Non pas que l'homme soit insensible à l'or des palais de la république, comme ancien sénateur et ministre socialiste il en a goûté tous les avantages, mais parce qu'il ne veut pas se retrouver pris au piège de la réalité, de l’implacable gestion des affaires. Critiquer, invectiver, appeler à l'insurrection civique oui mais surtout ne pas prendre de responsabilités afin de ne pas susciter de désillusions pour ménager ses électeurs. Mélenchon n’a pas oublié les leçons de 1981 et de la rigueur implacable après les 110 propositions généreuses.
Mélenchon, c’est un peu la fable de la grenouille et du bœuf et de Narcisse, tombé amoureux de sa propre image, fasciné par les foules qu’il arrive à mobiliser. Pétri d'autosatisfaction sur sa verve et sa culture, il se rêve dans le rôle d'un Chavez à la Française, brutal et radical, dictant ses volontés à gauche et notamment au PS tout en s’inspirant largement de la stratégie de Die Linke. En meeting mardi à Lille, les menaces ont fusé à l’égard de ses anciens camarades : "Ne commencez pas à me chercher ! Soyez polis avec nous !" at-t-il réclamé en matamore alors que dans le même discours il a traité avec le dédain qu'il affectionne le socialiste Jérôme Cahuzac de "petit menteur".
Alors, Mélenchon allié objectif de Nicolas Sarkozy ? Si l’on considère que François Hollande a impérativement besoin des voix du centre pour s’imposer au deuxième tour, la montée en puissance du Front de Gauche en agissant comme un épouvantail sur cet électorat cible affaiblit indéniablement le candidat socialiste.
Mélenchon capte-t-il des électeurs du FN difficile à savoir tout autant que d’assurer qu’ils voteront Hollande au second tour plus qu’ils ne s’abstiendront. En revanche un score maîtrisé assurerait du Front de Gauche assurerait un réservoir minimum de voix indispensable au candidat socialiste pour le second tour. Finalement, Mélenchon c’est comme pour de nombreuses substances : c’est la dose qui fait le poison.