La raison pour laquelle les scientifiques aimeraient bien examiner les racines des générateurs de nombres pseudo-aléatoires (GNPA) choisies par l’industrie est la possibilité que certaines plages du GNPA présentent des accidents chaotiques, c’est-à-dire des séquences qui, temporairement, génèrent des suites d’événements exceptionnellement gagnants ou exceptionnellement perdants.
Quand on dit qu’un GNPA passe les critères légaux pour définir une séquence aléatoire, on entend que l’ensemble de la période aurait passé ces tests. Cela ne signifie certainement pas que l’infime plage de la séquence utilisée par l’appareil de jeu correspond aux critères de l’ensemble.
Voici une séquence présentant les chiffres de 0 à 9 dans un ordre qu’il semble difficile de prédire, un peu comme s’ils étaient alignés au hasard.
En fait, seul le chiffre sous la case A pourrait être au hasard. Plus on avance dans la séquence, moins il y a apparence de hasard. En particulier, rendu au chiffre sous la case J, on n’a plus le choix. Il faut absolument que ce soit 3 car c’est le seul chiffre, entre 0 et 9, qui n’a pas encore été utilisé. On dit alors que c’est un tirage sans remise.
Dans la figure suivante, la même séquence est présentée, mais avec une série de cases vertes en-dessous.
Notez d’abord que la première case est affichée en rouge. C’est ce qu’on appelle la racine. Une fois la racine connue, tous les autres chiffres sont déterminés dans un ordre précis par une équation mathématique. Vous avez déjà remarqué que les nombres dans les cases vertes sont simplement le chiffre de la case beige précédente plus sept. De même, le prochain chiffre des cases beiges est simplement le dernier chiffre (le chiffre des unités) du nombre de la case verte précédente. Dans un langage plus formel, on dira que le prochain chiffre est égal (au chiffre précédent plus sept) modulo 10 ............. prochain X = (X+7) mod 10 .
Bien que, à première vue, cette séquence apparaît aussi désordonnée que le hasard, elle n’a rien d’aléatoire. Elle est complètement déterminée par un processus déterministe à 100%, c'est-à-dire un générateur de nombres pseudo-aléatoires (GNPA).
Dans la figure suivante, la racine est changée pour le chiffre 8 au lieu de zéro. La séquence résultante est exactement la même quoiqu’elle est décalée.
Voici donc un des plus petit générateur de nombres pseudo aléatoires (GNPA) (voir page 185). Sa période est de 10 chiffres différents, et la même séquence peut être répétée à l’infini. Tous les chiffres entre 0 et 9 sont présents et chacun a une probabilité égale à un dixième. Sa période étant très courte, un bon observateur percevrait rapidement la répétition et pourrait même découvrir l’équation mathématique qui détermine le prochain chiffre.
Évidemment, de nombreux autres GNPA ont été trouvé. Des équations mathématiques beaucoup plus complexes sont utilisées. Un des GNPA couramment utilisés est le Mersenne-Twister dont la période comprend (2 exposant 19937) – 1 nombres. Pour donner une idée de ce que cela représente, imaginez qu’un ordinateur génère un milliard de nombres pseudo-aléatoires par seconde, cela lui prendrait 364 années pour en faire le tour. Quand on considère que la durée vie d’un appareil de jeu ne dépasse pas dix ans, un tel ordinateur n’exploiterait pas plus que 2,7% de la période possible. Et, encore, il faudrait qu’il ait besoin de générer 1 milliard d’événements aléatoires par seconde. Le trafic d’EspaceJeux en est encore loin. Bref, durant toute son exploitation, un appareil de jeu n’utilisera qu’une infime portion de la séquence.
Quand on dit qu’un GNPA passe les critères légaux pour définir une séquence aléatoire, on entend que l’ensemble de la période aurait passé ces tests. Cela ne signifie certainement pas que l’infime plage de la séquence utilisée par l’appareil de jeu corresponde aux critères de l’ensemble. Quand l’industrie se bat pour garder secret son GNPA, elle pourrait ne pas vraiment chercher à cacher la structure du générateur mais à dissimuler les racines utilisées. En effet, les équations sont simplement des copies des travaux académiques largement publiés depuis des années. Connaître les derniers résultats des tirages ne procure aucun avantage car un as de cœur peut correspondre à n’importe quel nombre entre 0,0192 et 0,0385. La moindre erreur d’estimation dans le calcul de la racine procurerait des séquences totalement différentes.
La raison pour laquelle les scientifiques aimeraient bien examiner les racines choisies par l’industrie est la possibilité que certaines séquences présentent des accidents chaotiques, c’est-à-dire des séquences qui, temporairement, génèrent des suites d’événements exceptionnellement gagnants ou exceptionnellement perdants. Pensez à un ruisseau dont le débit d’eau est constant et dont le relief du fond ne change pas. Pendant longtemps, vous observez un flot régulier. Puis, soudain, des turbulences se produisent pendant quelques secondes avant de revenir à l’état calme initial. C’est la crainte qu’exprime Pokerman lorsqu’il indique que certaines séquences lui apparaissent étrangement concentrées en événements rares. Cela pourrait être une illusion cognitive tout comme cela pourrait être un événement intentionnellement créé par le concepteur du logiciel. En ce sens, il a parfaitement raison d’exiger des garanties plus solides qu'une certification selon quoi le GNPA apparaît aléatoire lorsqu’évalué sur l’ensemble de sa période.
Une chose est cependant certaine. Si quelqu’un affirme qu’un GNPA est prouvé aléatoire, il ment nécessairement car les GNPA utilisent des équations mathématiques chaotiques, donc déterministes. Seul un incompétent pourrait prétendre avoir prouvé qu’un processus chaotique est aléatoire. Ce serait comme prétendre avoir prouvé qu’une pomme est une orange.
Maintenant, admettons que la plage de la période exploitée durant la vie de l’appareil serait représentative de l’ensemble de la période, il n’est pas dit que le concepteur du logiciel accordera une probabilité égale à différents événements. Dans ce cas, la certification du GNPA ne garantit rien. Par exemple, je pourrais décider que si le GNPA tire un nombre entre 0 et 0,1, je donne un as de cœur, et s’il tire un nombre entre 0,2 et 0,35, je donne un as de pique. Le GNPA est équilibré, mais ce que j’en fais ne l’est pas. Évidemment, l’exemple est ici grossier et serait rapidement détectable.
Enfin, comment fait-on pour vérifier si une période, englobant (2 exposant 19937) – 1 nombres, s’assimile raisonnablement à un processus aléatoire? On ne peut pas vérifier nombre après nombre car on risque de mourir bien avant la fin de la vérification. En réalité, on utilise des heuristiques qui tentent de prédire où pourraient se cacher les accidents chaotiques. Jusqu'à présent, plusieurs de ces accidents ont été identifiés, mais on ne pourra jamais affirmer qu’un logiciel en est exempt.
Pour terminer, je vous incite à vous rendre sur ce site. On y trouve ce qu’on appelle une roue de Lorenz. C’est un GNPA en image. Imaginez que ce sont neuf seaux d’eau dont le fond est percé également. Tout en haut, il y a un robinet qui laisse couler un débit d’eau constant. Lorsqu’un seau est en haut, il se remplit d’eau. Puis il se vide graduellement lorsqu’il s’éloigne du haut. Dans ce système, il n’y a aucun hasard. Tout est parfaitement constant et régulier. Pourtant, essayez de prédire quand le mouvement de la roue va changer de sens. Vous constaterez alors qu’il existe certains cycles réels, et d’autres qui ne sont qu’illusions de cycle. Trop facile? Augmentez le nombre de seaux. Invariablement, vous serez pris par surprise.
Ces illusions de cycle, surtout lorsqu'entremêlées de cycles réels, posent un défi immense pour l’esprit humain. Les scientifiques qui ont étudié le fonctionnement détaillé des loteries vidéo y perçoivent le fondement du jeu pathologique. Dès lors, on comprendra à quel point il est déraisonnable de se fier aux certifications proposées par l’industrie du jeu. Leurs normes n’incluent pas de critères quant à ces illusions cognitives.
Photo : Danny Hennesy / TRANSVESTITEstallion