Ca fait 'hachtement longtemps que j'avais envie d'en parler dans ce blog. Mais bon, ce n'était jamais le bon moment, et rien ne m'y avait poussé. Mais le commentaire d'une de mes lectrices a appuyé sur le bouton "enter" de la rédaction de ce billet.....
De quoi vais-je vous causer ? Mais de cette fameuse période de ma vie. Celle où je me promenais dans monbledpaumé, un mouchoir brodé de mes initiales à la main, la morve pendouillante à la narine (comme maintenant, mais là c pasque j'ai la crève...), le mascara dégoulinant, une mantille noire sur la tête assortie à ma longue robe en velours, un chapelet à la main, rasant les murs du cimetière de peur de me faire trop remarquer...
Bin oui quoi, vous l'aurez tous deviné. Je parle du Grand Deuil. Vous savez ce fameux grand DEUUUUUUUUUUUUUUUIIIILL...
Celui de l'enfant biologique.
Je me souviens comme si c'était hier de nos préparatifs pour les entretiens de notre premier agrément d'adoption. J'avais potassé les bouquins sur l'adoption, usé mes yeux sur les forums d'adoptants, discuté avec d'autres couples dans la même situation que nous... Et j'avais bien compris qu'une des questions pièges que risquait de nous poser les pros de l'adoption serait sur le fameux et terrrribleu "deuil de l'enfant biologique". "Méfiez vous !" nous avertissaient bouquins et postulants, ne dites surtout pas que votre deuil est "in process" ou que vous tentez encore d'avoir un enfant "fait sous la couette"
Et ça n'a pas raté, le "thème du deuil de l'enfant biologique" fut évoqué par notre AS de l'ASE (puis par le psy), mais grâce à ma stérilité liée au distilbène
Pourtant ,est-ce rationnel, honnête, cartésien et crédible de prétendre qu'un tel deuil peut être fait juste après ses 30 balais ??? D'ailleurs, cette question a-t-elle un sens, quelque soit l'âge du couple et la situation d'infertilité ? Y a-t-il un jour où l'on peut enfin se le dire honnêtement, un matin au réveil :
"Ca y est je l'ai fait chéri, fais péter le champ" !!!!!!!
Pour moi, bien au contraire, ce renoncement fut doux, lent et surtout invisible, puisque je ne l'ai pas vu passer ! (enfin je crois ??). De l'obsession de la courbe de température (ah le thermomètre glamour sur la table de chevet...) je suis passée à l'obsession de l'adoption, en passant par les étapes agrément, acceptation du dossier par une assoce, apparentement, jugement indien d'adoption pour enfin pouvoir nous envoler vers nos enfants à Bangalore ou à Pune. Oui, j'ai renoncé à une forme de parentalité pour aller vers une autre, mais en douceur, sans porter le deuil, sans pleurs (ou presque mais c'était plutôt la frustration de ne pas pouvoir être immédiatement parent !) ou tristesse. Et pendant que je devenais "infactuated" par l'adoption, j'en ai oublié tout désir de grossesse. L'envie du clearblue positif s'est éclipsé à petits pas, sans que je le vois ou l'entende partir, et sans que j'ai pu le saluer une dernière fois... Oublié, véritablement oublié, à un tel point que je trouvais étranges ces enfants dodus et blancs aux yeux étonnement bleus que je pouvais croiser ici (et pas là-bas en Inde !).
Alors franchement, où est la robe en velours, le voile sur la tête et tous les signes de deuil là dedans ? Certes, beaucoup de parents ne l'ont pas vécu comme moi, et ont eu besoin d'une période de transition nécessaire pour "passer à l'adoption", alors je ne veux surtout pas généraliser cette période à mon expérience perso. Mais fait-on vraiment un "deuil" que l'on peut considérer un jour comme clôturé, finalisé avec un point final ? Cette expression, évoquant la tristesse, la séparation et le renoncement à tout jamais est-elle adaptée à la majorité des postulants à l'adoption dans cette phase de transition entre ceux deux types de filiation ?
Et mon deuil à moi dans tout ça, hein ? Moushette, dis-moi, as tu fait ton deuil de l'enfant bio ?? Aller, sois franche et fais ton coming-out !!!!
Rien de moins sûr.
Car j'ai encore des regrets de ne pas avoir connu l'allaitement
Alors fait ou pas steu deuil Moushette ? Aller, je vais vous l'dire... en toute confidentialité
Un jour de cet hiver vers 15 heures, pendant nos vacances ensoleillées sur des pistes de ski débordantes de neige fraîche, alors que les mamans de bébés de 8 mois devaient se morfondre à garder leur bébé à la sieste au bas des pistes dans le chalet, moi j'étais en haut des pistes avec mon "bébé" de 6 ans adopté il y a 8 mois en Inde, et je kiffais grave ses virages en ski parallèle et sa joie de la glisse à fond les manettes.
"Pfiou, heureusement que j'avais échappée à la corvée de la sieste hein, steu galère d'avoir un enfant bio, c'est quand même hachtement et plus cool d'adopter un gosse qu'on peut directement mettre sur des spatules sans passer par l'étape sieste-qui-te-sucre-l'aprem-de-ski et luge-en-attendant-le-ski !!"
Et tout là haut, sur mon pic des Pyrénées, j'ai su avec certitude, que j'avais du faire ce fameux "deuil" il y a bien longtemps sans que je le sache, et que ce "deuil" avait sûrement du être une des étapes d'une nouvelle aventure me conduisant vers un de mes enfants. Mon deuil, s'il y en a eu un, avait du être un grand bonheur plutôt qu'un malheur, tout simplement...
... un peu comme le deuil et le sourire rayonnant de Scarlett'o'Hara au bras de son Rhett lors du fameux Confederate bal ! Je trouve que cette photo illustre ce billet à la perfection !!!!