Buzz, petites phrases, polémiques stériles et inutiles, voici le lot
quotidien et éphémère de la campagne présidentielle qui devrait pourtant esquisser les grands enjeux de cette décennie 2010.
Pourtant, non seulement il faudrait raison garder mais aussi avoir une petite idée des conséquences de ses
paroles.
Le lundi 26 mars 2012 au matin, le Président candidat Nicolas Sarkozy était l’invité de France Info, ce qui a valu d’ailleurs tout le périmètre de la Maison de la
Radio bien quadrillé par la police pendant une bonne partie de la matinée.
La veille, Marine Le
Pen avait prononcé dans un petit meeting à Bougonnais, près de Nantes, des paroles abjectes de récupération des tueries de Toulouse et de Montauban. Elle avait entre autre dit, parlant du
tueur : « Combien de Mohamed Merah dans les bateaux, les avions, qui chaque jour arrivent en France remplis d’immigrés ? (…) Combien de
Mohamed Merah parmi les enfants de ces immigrés non assimilés ? ».
Phrases dénuées de tout sens et doublement puantes. D’une part, confondre immigration et insécurité est le
fonds de commerce habituel du Front national ; d’autre part, il se trouve que justement, dans
l’exemple du tueur de Toulouse, ce n’était pas un cas d’immigration puisqu’il était un Français né en France, qui a passé son enfance en France et par conséquent, s’il a été influencé, cela ne
peut être que dans et par la société française et dans aucune autre société.
Marine Le Pen est allée d’ailleurs très loin avec des mots violents dans son racolage qu’on pourrait
considéré islamophobe : « Ce n’est pas l’affaire de la folie d’un homme mais le début de l’avancée du fascisme vert dans notre pays. (…) Mohamed
Merah est peut-être la partie émergée de l’iceberg. (…) Ce drame était sans doute évitable. (…) L’horrible tueur est mort et l’on ne versera pas de larmes sur sa disparition. (…) Je mettrai
l’islam radical à genoux ! Tous les prosélytes religieux seront mis sur écoutes tandis que leur domicile sera régulièrement perquisitionné pour s’assurer qu’ils ne constituent pas un arsenal
d’armes. (…) L’islamisme radical, son imprégnation, son influence s’aggravent d’année en année (…). C’est la conséquence directe de l’immigration de masse ! ».
Affirmations gratuites et sans fondement puisque l’immigration issue du Maghreb a commencé depuis plus d’une
quarantaine d’années et il n’y a pas eu tous les jours (heureusement), depuis quatre décennies, des attentats islamistes sur notre territoire. Ce n’est bien sûr pas la première fois que la
candidate du FN disait n’importe quoi.
Stigmatisation et amalgame, les deux mamelles de la récupération à deux balles pour se faire des voix. Parfois, Nicolas Sarkozy s’est servi de ces outils pas
très reluisants et je n’ai pas hésité à en faire part, tant lors du discours de Grenoble du 30 juillet
2010 que lors de son début de campagne en février 2012.
Pourtant, justement, dans cette affaire très grave, Nicolas Sarkozy a été à la hauteur de ses fonctions. Il a
eu un discours à Montauban le 20 mars 2012, lors de l’hommage des soldats tués, à la fois digne et juste, solennel et exprimant la conscience nationale avec ces simples mots : Pas
d’amalgame !
Sur France Info le 26 mars 2012, Nicolas Sarkozy avait réagi de la même manière face aux propos scandaleux de
Marine Le Pen : « Dire immigré égale Mohamed Merah, qui est né en France, ça n’a aucun sens. De même, je le rappelle pour nos auditeurs, que les
amalgames n’ont aucun sens. Je rappelle que deux de nos soldats étaient… comment dire ? …musulmans d’apparence, puisque l’un était catholique, mais d’apparence, comme l’on dit, de la
diversité visible. Et ce serait particulièrement odieux, cet amalgame parce que deux Français musulmans ont été assassinés, parce que soldats, par Merah. ».
C’est évident que l’expression "musulmans d’apparence" est une vraie maladresse de langage, mais sur ces paroles, nul ne peut contester que justement,
Nicolas Sarkozy tenait des propos pacificateurs et pas stigmatisants. Il est visible qu’il cherchait ses mots et ne savait pas bien comment expliquer que l’un des soldats tués aurait pu être pris
pour un musulman mais qu’il était en réalité un catholique.
La polémique qui a découlé de cette expression malheureuse est absolument incompréhensible : bourde,
oui, stigmatisation, pour le coup, non et c’est heureux. En gros, Nicolas Sarkozy disait la même chose que les socialistes sur le discours complètement surréaliste de Marine Le Pen en
Loire-Atlantique.
Au lieu de conforter cette opposition à cette dérive grave du débat national, les socialistes ont préféré
pointer du doigt une expression qui, je le répète, est évidemment malheureuse, mais sans comprendre qu’en insistant sur cet aspect de la parole présidentielle, il y a une candidate qui se frotte
les mains et qui voit ainsi ses propos résonner de plus belle.
De le même manière, l’antisarkozysme primaire peut provoquer des réactions complètement ahurissantes,
notamment remettre purement et simplement en cause notre État de droit.
C’est peu étonnant de la part d’une Marine Le Pen qui s’interrogeait ainsi dimanche : « Pourquoi a-t-on mis autant de temps pour identifier et arrêter Mohamed Merah ? Cet homme était dans les fichiers de la police. Il avait déjà été
condamné plus de quinze fois et les services de renseignements savaient qu’il s’était déjà rendu en Afghanistan et au Pakistan ! ».
Mais cette critique est moins compréhensible chez des personnes qui n’ont cessé de s’opposer à l’État
policier, aux surveillances des caméras de surveillance ou au fichage sur Internet ou sur d’autres supports. En effet, rien ne pouvait, dans
l’état actuel des connaissances, mettre en prison préventivement un futur tueur qui n‘avait été condamné que pour des délits mineurs et en aucun cas pour des meurtres. Au contraire, ces critiques
pourraient paradoxalement donner raison à Nicolas Sarkozy qui avait fait voter en fin 2007 une loi très controversée sur la rétention de sûreté (à
laquelle je m’étais opposé en son temps).
Le quinquennat contrasté (j’y reviendrai) de Nicolas Sarkozy a suffisamment d’angles d’attaque sur le fond
pour ne pas s’arrêter qu’à de négligeables maladresses sémantiques.
Car tout ce petit jeu ne fait que grossir les bataillons d’un parti dont on s’évertue par ailleurs à en être
les meilleurs opposants, d’autant plus que le père du tueur qui avait abandonné sa famille il y a très longtemps n’a pas hésité à faire de la provocation de mauvais goût en voulant déposer
plainte contre la France pour avoir tué le fils dont il ne s’était jamais occupé.
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (27 mars
2012)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Tuerie de Toulouse.
Les amalgames du discours de Grenoble du 30
juillet 2010.
Nicolas
le stigmatiseur.
La rétention de sûreté, une
solution ?
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/sarkozy-et-ses-musulmans-d-113450