Si l’origine de la Lune n’est pas bien comprise — et notre article consacré à l’énigme de l’eau vous en convaincra facilement —, il ne fait aucun doute, en revanche, qu’elle fut une précieuse alliée pour le philosophe naturel de l’Antiquité et, aujourd’hui, pour l’homme de science, dans la découverte de son environnement spatio-temporel.
Le premier, soucieux de la représentation du monde, s’est vite rendu compte qu’elle sert souvent d’écran de projection à l’ombre de notre Terre. Et la mesure de sa distance comme la rondeur de l’obscurité l’ont alors aidé à préciser les dimensions de la planète. Le second, après avoir compris et mesuré l’influence gravitationnelle que le satellite exerce sur notre globe, a pu l’apprécier comme disque occulteur du Soleil, l’éclipse révélant alors l’environnement proche de notre étoile. Plus tard, en profitant du plus célèbre bras de fer de la guerre froide, l’aventure Apollo, il a pu entrer en possession d’archives vieilles de milliards d’années. Et ainsi “faire parler” ce proche témoin d’un temps où les bombardements météoritiques et cométaires intenses marquaient la face et transformaient l’environnement de la Terre primitive…
Son rôle aurait pu s’arrêter là — il est déjà énorme — sans l’idée géniale de l’équipe de Michael Sterzik, astronome à l’ESO au Chili, d’utiliser le Very Large Telescope pour analyser la lumière cendrée !
Chaque curieux du ciel connaît ces quelques jours, avant ou après la Nouvelle Lune, quand cette dernière est une virgule sur l’horizon, un très fin croissant, qui laisse voir le reste du disque, légèrement éclairé par la lumière… de la Terre. Cette lumière cendrée est notre reflet dans le miroir de la Lune. Mais elle peut aussi être vue “comme si” nous étions très loin d’ici — dans la situation d’astronomes extraterrestres, à plusieurs années-lumière de là — et que nous ne disposions que de très peu de lumière pour décrire la nature de la troisième planète du Système solaire découverte dans une zone d’habitabilité.
L’exercice est un formidable succès. Les biosignatures — les empreintes digitales de la vie — ont été vues dans cette lumière réfléchie de la Terre. Mais mieux encore, les astronomes ont pu en déduire qu’il y a une couverture de végétation, des océans et une atmosphère nuageuse. En montrant qu’il y a de la vie sur Terre, la Lune s’inscrit une nouvelle fois dans la modernité, celle de la recherche des mondes habités.
Alain Cirou
Directeur de la rédaction
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