Avant de commencer, il faut que tu saches qu'il s'en est fallu de peu pour que je ne puisse finalement pas assister au concert de Dionysos hier soir. Je me faisais une joie mais les impératifs liés à mon travail étaient tels que le projet a été sérieusement compromis. Et du coup quand j'ai réalisé que j'allais finalement pouvoir participer à cette première date de la tournée, tu imagines bien l'état d'excitation dans lequel j'étais. Après ma longue, très longue, trop longue journée, me voici donc partie direction le Trianon. Oui, car s'ils sont des habitués des scènes "en extérieur", sur les festivals, les Dionysos se produisent aussi de temps en temps dans des salles parisiennes. Mais c'est plus rare. Et c'est aussi ce qui rend ce genre de concert d'autant plus précieux.
J'arrive à temps pour entendre la fin de la première partie, assurée par Kim (et c'est une surprise parce que je ne m'étais pas renseignée du tout sur l'artiste qui ouvrait la soirée). Je suis ravie. Il faut savoir que je l'ai découvert (après tout le monde semble-t'il -on a beau dire "mieux vaut tard que jamais" j'ai un peu honte quand même) avec son dernier album "Radio Lee Doo" que j'ai beaucoup aimé (il est d'ailleurs chroniqué ici si tu es curieux(se) et que tu étais passé(e) à côté.
Seul en scène devant les lourds rideaux rouges, il défend sa pop allumée et inspirée vaillamment, manifestant à plusieurs reprises son angoisse de tomber en glissant de l'étroite bande de scène sur laquelle il est installé. A la fin de sa prestation, il fait applaudir ses instruments avant d'entamer son dernier morceau (I'm getting old) bourré d'énergie et reviendra finalement pour un titre Because of Sylvie. Avant de partir il avoue rêver de faire chanter "Sylvie" à son public. Il prend sa guitare et le public scande avec ferveur le refrain sur la mélodie qu'il joue puis il quitte la scène pour de bon, arborant un sourire radieux qui fait plaisir à voir.
Changement de plateau un peu long pendant lequel le public réclame le groupe par intermittence. A la faveur d'un cri spontané poussé par un spectateur un peu chaud, la foule s'emballe et un tonnerre d'applaudissements retentit. Et le fracas cesse aussi vite qu'il a commencé. Pour repartir quelques minutes plus tard. Troublant.
Soudain les lourds rideaux s'ouvrent et dévoilent une scène vide parcourue par de larges faisceaux d'une lumière verte qui balaie la salle tandis que les premières notes de la mythique marche impériale de la B.O. de Star Wars retentissent. Le groupe déboule sur scène avec le galvanisant John Mc Enroe's Poetry (de l'album Western sous la neige (2002)) et Mathias Malzieu, son ukulele en main, prouve une fois encore qu'il est un incomparable chauffeur de salle, grimpant partout et invitant le public à participer activement. Guitares saturées, gros son, la couleur est clairement annoncée : ce soir, Dionysos va retourner le Trianon. De ruptures de rythmes en invitations à danser adressées au public, la soirée démarre fort.
J'en profite pour parcourir des yeux le groupe : les garçons sont tous vêtus d'un costume noir, élégant habit réveillé d'une cravate rouge vif (cravate noire pour Mathias qui arbore une tenue monochrome qui semble bien sage, comme à l'accoutumée, sa folie se manifeste ailleurs que dans son accoutrement) et Babet, sublime, longue cascade de boucles qui tombe sur ses épaules dénudées par la jolie robe bustier bicolore qu'elle arbore. Ils sont beaux. Et le temps ne semble pas voir de prise sur eux. Tant mieux.
Le titre suivant est l'occasion pour le groupe d'évoquer le "concept" sur lequel repose le dernier album, le "bird'n'roll" cette danse qui se veut un mix entre le rock and roll et les battements d'ailes d'oiseaux. L'occasion aussi de présenter les "Bird'n'rolleuses" choristes au look rétro et d'entendre les premiers sifflements et roucoulements, sur scène et dans la salle, de la soirée (et pas les derniers, tu te doutes bien, étant donné que c'est un peu leur signature).
Pendant le solo d'harmonica de June Carter je scrute la scène. Les pieds de micros sont décorés de plumes rouges qui évoquent la couleur dominante de l'album. Sobre et bien pensé, me dis-je. Puis Mathias annonce qu'il va maintenant raconter l'histoire d'un garçon qui souffre de dyslexie poétique. C'est parti pour Don Diego 2000. Pour l'occasion je frémis. Comprends moi bien, le banjo vient de faire son apparition et on aura même droit à un solo. Un solo de banjo. Nan mais tu imagines? Court mais intense. J'adore (j'ai déjà évoqué ici l'amour inexplicable que je voue à cet instrument je crois, hein).
A l'issue du morceau Mathias s'adresse à son public "C'est un petit peu de la magie la musique quand même parce que nous on vieillit (NDR : ah bon?) alors que vous, non" "Vous êtes en fait comme une cure de jeunesse. Une cure de jeunesse mélangée à un sauna". Il a raison Mathias, il fait une chaleur à tomber et pourtant on n'a alors entendu que 4 titres seulement mais ça remue tellement que ça n'a rien d'étonnant.
Il enchaine avec un morceau qui ne risque pas de rafraichir l'ambiance puisqu'on embarque pour le grand Ouest avec Sex with a bird ("Oh ce gout d'étoile, que tu as quand tu ris, oh ciel tes cils tissent ma galaxie..." : j'aime!) puis suit une intro au glockenspiel qui annonce la métamorphose de Mr Chat, tout en carillons et clochettes, titre ô combien inévitable sur un concert de Dionysos sur lequel le public reprend traditionnellement le refrain (ici en hurlant de toutes ses forces pour former un choeur ultrapuissant) "Ta gueule le chat" puis plus tard "it's hard to be a cat in this fucking town". Mathias enfile son sweet à capuche orné d'une paire de félines oreilles pour l'occasion. Je fonds.
Alors que je demandais dernièrement au groupe si le dernier album, Bird'n'Roll, avait été conçu en pensant à sa transposition sur scène tant on imaginait facilement à son écoute ce que pourrait donner un live de cet opus, Mathias m'avouait que Dionysos n'avait jamais fonctionné ainsi et qu'il s'était toujours laissé surprendre par son public qui s'appropriait ses morceaux d'une manière parfois inattendue prenant l'exemple de ce titre là justement, "La métamorphose de Mr chat" sur lequel il avouait avoir été surpris de voir que le public reprenait massivement le refrain et avait rapidement choisi d'en faire un titre "emblématique" de sa musique (et hop l'air de rien je place discrètement que j'ai eu la chance de les rencontrer "en vrai")(hiiiiiiii)(pardon)(c'était la minute groupie)(ça ne se reproduira plus)(mais hiiiiii).
La transition avec le morceau suivant est un peu plus longue qu'à l'accoutumée, une longue introduction aux percus fait monter doucement la pression et soudain Mathias qui s'était échappé un court instant plus tôt, apparait recouvert de la tête d'oiseau de Tom Cloudman, tête toute en plumes rouges que deux assistants lui retireront pour lui permettre d'interpréter le morceau. Jolie démonstration d'un sens évident de la mise en scène confirmée par la pluie de plumes rouges qui s'abat sur le public de la fosse pendant le titre, créant l'espace d'un instant une ambiance féérique. La jolie Birdy Johanna que l'on a découverte sur l'album Bird'n'Roll et dans les vidéos de démonstration de la danse publiées dernièrement par le groupe rejoint Dionysos à l'occasion de ce titre pour un très joli duo chorégraphié. C'est beau.
La pluie de plumes rouges. FEERIQUE.
Une petite intro chantée en duo avec le public (qui reprend à la suite les paroles de Mathias) "Don't let me turn to the dark side, don't let me fuck every girl, who's able to give me a smile...of love" puis le titre Dark Side prend toute son intensité, jouée par le groupe entier. Frissons.
Suivra Can I, électrisant, puis après un clin d'oeil au stress de Miky Biky dont Mathias confie qu'il est partagé par l'ensemble du groupe qui "avait très hâte de retrouver son public sur scène", "mais avait aussi très très peur", vient le moment de jouer Tais toi mon coeur titre pendant lequel Mathias se jettera dans le public qui le portera sur quelques mètres avant de le maintenir, dressé, au dessus de la foule. Retour sur scène pour Song For Jedi dont le rock échevelé provoquera la folie dans le public avant d'en profiter pour remercier tous ceux qui suivent l'aventure de Dionysos depuis presque 20 ans déjà (public, maisons de disques...), court instant de solennité au milieu de toute cette folie musicale revigorante.
L'heure du dernier morceau arrive et je crois que j'envisage à ce moment là de peut-être pleurer un peu étant donné que je comprends bien vite qu'il s'agit de Spider Girl Blues (dont je t'ai parlé dans un billet consacré tout exprès ici). Heureusement, Mathias détend l'atmosphère (je t'ai déjà dit combien je le trouve formidable, dis?) pendant sa transition en indiquant que "jusque là tout se passe vraiment bien et normalement, là, un riff de guitare vient m'empêcher de faire la blague de trop" "mais voilà il ne vient pas et j'ai très envie de la faire quand même cette blague de trop, alors j'y vais".
"Qui est la femme de Spider Man?"
Réponse du public "Spider Girl"
Mathias, tout sourire "Ahhhhhhhh! J'adore quand vous me réclamez des chansons!"
(à ce moment précis je songe à le demander en mariage)(petite précision inutile mais bon)
La ballade de l'album, que j'aime tellement dans sa version dépouillée est interprétée dans une version relativement fidèle à celle que je connais au départ mais prend des accents rock inattendus à la faveur des refrains, lui conférant une toute nouvelle intensité. Je craque. Ce titre est en passe de devenir mon hymne.
Quand le groupe s'éclipse, c'est sous un fracas assourdissant : à grand renfort de claps, de pieds qui cognent et de cris et de sifflements, Dionysos est rappelé sur scène.
Et revient.
Interpréter Wet puis une version electro-punk allongée et répétée de "Mon nom est Tom, hématome Cloudman, le plus mauvais cascadeur du monde et de la galaxie, soleil y compris". Délire punk. Pendant ces rappels Mathias se jettera dans la foule à nouveau après avoir théâtralement fait tomber sa cravate et défait les premiers boutons de sa chemise puis, après avoir traversé toute la salle, il escaladera les deux balcons du Trianon. Il chantera un moment a cappella depuis le second balcon puis redescendra avec l'aide du public jusqu'à la scène. Après le salut final il reviendra, chanter toujours a cappella, après une courte introduction à l'harmonica, un passage de Giant Jack en guise d'adieu.
Les rideaux tombent et avec eux se ferme la fenêtre sur notre imaginaire qu'avait ouvert Dionysos l'espace d'un concert. Vivement le prochain départ. Pour les suivre sur la tournée, c'est par ici...
Pour info, la chronique de l'album Bird'N'Roll paru hier est disponible ici...