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Longue et belle journée hier, commencée au 104 (où l’on rentrait par le 5 rue Curial) avec la rencontre Les scènes nationales battent la campagne (Libération co-organisateur s’en fait l’écho ce matin ce qui me dispense d’épiloguer).
Bonne idée : inviter quatre économistes, un sociologue et un politiste… outre des artistes et des gestionnaires.
Le soir je trouve chez moi l’ouvrage, fraîchement paru, aimablement envoyé par l’un d’entre eux, Vincent Dubois
Le politique, l’artiste et le gestionnaire.
Cet ouvrage éclaire l’évolution des rapports entre culture et politique depuis le début des années 1960. Il retrace pour ce faire les changements intervenus dans les systèmes de relation constitutifs des politiques locales de la culture. Les collaborations entre agents des champs politique, bureaucratique et culturel pour la promotion de l’intervention culturelle publique ont doté cette politique de structures et de logiques spécifiques qui l’ont progressivement rendue autonome par rapport aux investissements politiques qui en étaient à l’origine. Au fur et à mesure de cette institutionnalisation, un partage des rôles s’est tant bien que mal instauré, confiant la définition des grandes orientations aux élus et réservant celle des programmes aux acteurs culturels. Dans le même mouvement, la mise en avant de finalités proprement culturelles (et notamment la sempiternelle « démocratisation de la culture ») a permis de formuler sinon des objectifs clairs, au moins des compromis relativement stables. Ce double modus vivendi a été remis en cause depuis le milieu des années 1990. Les contraintes budgétaires ont notamment réduit l’initiative des acteurs culturels et, parfois, déplacé le centre de gravité des arbitrages culturels du côté des élus. Il est peu à peu devenu pensable que les politiques de la culture poursuivent d’autres fins que principalement culturelles, et soient mises au service du développement économique. L’histoire retracée dans cet ouvrage à l’échelon local révèle ainsi une évolution beaucoup plus générale : la remise en cause concomitante des spécificités des politiques culturelles et de l’autonomie du champ culturel.
Vincent Dubois est professeur à l’université de Strasbourg et membre de l’Institut universitaire de France. Il a notamment publié La politique culturelle (Belin, 1999) et Les mondes de l’harmonie (La Dispute, 2009, avec J.-M. Méon et E. Pierru).
Clément Bastien est doctorant, et travaille sur le mécénat d’entreprise.
Audrey Freyermuth est docteure en science politique, elle étudie le traitement politique des questions de sécurité et l’intercommunalité culturelle.
Kévin Matz, doctorant, analyse l’essor du développement économique comme credo des politiques de la culture.
Tous sont chercheurs au GSPE-PRISME (UMR CNRS 7012) de l’université de Strasbourg.
Sommaire
Introduction. Politisation, dépolitisation, repolitisation: les reconfigurations des rapports entre culture et politique au niveau local
Chapitre premier. Local vs national: premières luttes pour la compétence politique légitime en matière culturelle
La cité, la culture et la démocratie
Représenter la nation
L’expérience de terrain contre la théorie des « maîtres à penser »
Des constructions concurrentes de l’action culturelle
Conclusion
Chapitre 2. Aggiornamento culturel et refoulement du politique
« Aux côtés des travailleurs en lutte »: tradition ouvrière et culture populaire
La relégation conflictuelle du politique
Le chassé-croisé de l’action culturelle et du politique
Conclusion: le retour du refoulé?
Chapitre 3. Les dilemmes de l’institutionnalisation
Des mobilisations associatives à la politique municipale
Les étapes de la différenciation
Le « culturel » désencastré
Conclusion
Chapitre 4. La politisation contre les politiques culturelles: retour sur les « affaires » culturelles
Les conditions locales d’émergence des « affaires » culturelles
Des conflits aux affaires: le rôle de la presse
Registres et usages politiques
Les professionnels de la culture. Entre politisation contrainte et posture victimaire
Chapitre 5. La culture dans les luttes d’institution: les fondements politiques de l’intercommunalité culturelle
La culture au service de l’intercommunalité
L’intercommunalisation de la culture: hétéronomisation, fragilisation et neutralisation
Chapitre 6. La culture au service du développement économique ou la neutralisation politique
Genèse, consolidation et diffusion d’un credo
Reconfigurations de l’action publique et appropriations pratiques
Les usages politiques d’une rhétorique de neutralisation
Chapitre 7. Le mécénat d’entreprise au secours de la culture? Les conditions de réalisation d’une injonction au financement privé
Diversifier les financements culturels ou promouvoir l’entreprise?
Une pratique peu structurée
Des effets ambigus et limités
Conclusion. Les fondements de la croyance en l’État culturel
Éléments pour une socio-histoire des politiques culturelles locales
Enjeux et perspectives d’une analyse localisée
De la description du minimal à l’articulation de la politique et des pratiques culturelles
Institutionnalisation, catégorisation et professionnalisation
Questions de chronologie
Les conditions sociales du rapport local-national
Questions de méthode
Les risques de l’anachronisme
Quel cadre d’analyse ?
Le statut du local
Annexe
Le développement de l’étude historique des politiques culturelles locales
Bibliographie
A l’occasion de la sortie de cet ouvrage un débat intitulé Les politiques culturelles a lieu à Strasbourg ce 30 mars (voir les informations pratiques).
L’histoire telle qu’elle est étudiée dans cet ouvrage (plus complexe que les contes et légendes qui, trop souvent, confortent « le milieu » dans ses craintes comme dans ses certitudes) rejoint l’appel a contribution Pour une histoire des politiques de « démocratisation culturelle », lancé il y a peu par le Comité d’histoire du Ministère de la Culture dont on peut retrouver le texte à cette adresse.
En fin de journée, séance de l’Université populaire et citoyenne que j’avais annoncée ici.
On lira avec intérêt une Adresse aux candidats lancée par le Mouvement pour l’économie solidaire (une version plus complète à été diffusée hier soir)
Le comité de pilotage des Etats Généraux de l’ESS, dans le cadre des campagnes électorales en 2012, a proposé un texte d'interpellation des candidats à la présidentielle, signé par une soixantaine d’organisations de l'ESS. Partant du constat qu’ « une autre voie est possible et réaliste, permettant une transition écologique et sociale pour une autre économie fondée sur la solidarité », les organisations signataires demandent aux politiques, décideurs citoyens, d’intégrer dans leur réflexion l’ensemble des propositions formulées dans ce texte, notamment sur le système financier, « en le mettant d’abord au service des entreprises et des particuliers ».
On ne peut que se réjouir de cette adresse de la part d’une ESS relativement peu coutumière de ce type d’interpellation publique. Même si la mise dos à dos du « marché » et de l’« Etat » revient à se couper doublement l’herbe sous le pied. D’une part, en s’interdisant des alliances avec les acteurs marchands non capitalistes ; d’une part, en ne prenant pas clairement la défense des services, de l’économie publique, car on se prépare ainsi « un champ de ruines » (Roger Sue) sur lequel rien de bon ne prospérera. Jordane Legleye
L’urgence d’une autre économie
La crise qui pèse sur les peuples n’est pas seulement financière, elle est économique, écologique, sociale, morale et politique. La rigueur imposée par la gestion de la dette, réduit le pouvoir d’achat l’emploi et la compétitivité des entreprises. Elle réduit donc les chances de reprise tout en en aggravant la situation des classes moyennes comme des plus faibles. Les classes dirigeantes font encore semblant de croire à des mesures de régulation très partielles qui continuent à faire la part belle à ceux qui bénéficient du système financier.
Sommes‐nous condamnés à des secousses de plus en plus violentes de la nature, de la société, de l’économie, de la finance pour que les dirigeants agissent sur ce modèle économique dominé par une course effrénée vers le profit.
Nous savons qu’une autre voie est possible et réaliste, permettant une transition écologique et sociale pour une autre économie fondée sur la solidarité.
Cette voie implique :
D’autres rapports démocratiques, par une écoute et une expression publique des citoyens et de leurs organisations représentatives
- Une autre conception de la richesse dans sa nature et dans sa répartition,
- Une approche différente de la mondialisation, et de la construction européenne en cherchant des relations équitables entre l’ensemble des acteurs
- Un développement des échanges marchands appuyés sur la coopération et non sur un excès de compétition pour le seul profit
- Un développement des échanges non marchands, donnant toute leurs places aux besoins fondamentaux des citoyens.
- Le respect des ressources naturelles comme bien commun et le souci des générations futures
- L’éducation, la prévention et la culture comme des enjeux déterminants de l’évolution de la société.
Il est temps que cette voie soit reconnue et entendue pour que nous puissions engager une révolution tranquille en réponse aux crises que nous traversons.
Le dualisme Marché‐Etat, ne suffit plus, il devient indispensable de tenir compte des apports d e la société civile à travers ses engagements économiques et citoyens. Cette perspective n’est pas utopique, elle est déjà mise en œuvre dans le cadre d’une Economie sociale et Solidaire (ESS) qui a connu en quelques décennies un essor important sur plusieurs continents.
A la tradition vivante de l’économie sociale représentée par les associations, coopératives et mutuelles dans lesquelles le pouvoir ne dépend pas du capital, se sont ajoutées les innovations portées par l’économie solidaire, voulant démocratiser l’économie à partir d’engagements citoyens.
L’économie sociale et solidaire est aujourd’hui une force économique, encore trop ignorée qui représente 10 % de l’emploi en France, 215 000 employeurs et 2,3 millions de salariés. Déjà de multiples initiatives en son sein montrent qu’il est possible de convertir l’indignation en action.
Elle peut‐ donc redonner un espoir politique. Nous demandons aux politiques, décideurs citoyens, d’intégrer dans leur réflexion l’ensemble de nos propositions pour faire basculer le modèle actuel, en particulier :
- Transformer le système financier en le mettant d’abord au service des entreprises et des particuliers.
- Encourager la réduction des écarts de rémunération au sein des entreprises notamment en instituant une échelle des salaires raisonnée et raisonnable.
- Taxer les transactions financières internationales.
- Développer des pôles territoriaux de coopération économique avec tous ceux qui constituent le coeur de l’économie locale
- Inscrire et financer l’innovation sociale dans les politiques publiques, nationales et européennes…
- Intégrer les approches de l’économie sociale et solidaire dans la formation initiale et continue, soutenir les formes d’éducation promue par celle‐ci (éducation populaire, pédagogie alternative…)
C’est à ce nouvel élan indissociablement politique et économique qu’appellent toutes les composantes d’une économie sociale et solidaire tenant à sa diversité mais consciente de l’importance de son unité pour favoriser une transition écologique et sociale qui passe par le renforcement de la démocratie.
Si nous voulons changer de paradigme, si nous voulons un futur plus accueillant aux jeunes générations, il est temps de reconnaitre le poids politique et économique des acteurs de l’économie sociale et solidaire.
Organisations signataires
L’association ChantierEcole (Réseau régional des acteurs de l’insertion), l’Atelier Ile de France, le CNEI (Conseil National des Entreprises d’Insertion), le CNLRQ (Comité National de Liaison des Régies de Quartiers), le Coorace Solidaires Pour l’emploi (Fédération nationale Coordination des Organismes d’Aide aux Chômeurs par l’Emploi), Entreprises coop FR, la FNARS (Fédération Nationale des Ateliers de Réinsertion Sociale), Finansol, la Fonda, la Fondation MACIF, le Groupe Id’ées, le Groupe Vitamine T, Habitat & Humanisme, les Jardins de Cocagne, la Fraternelle en Sciences, Arts et Social, le Marché Citoyen, Le MES (Mouvement pour l’Economie Solidaire), les Petits débrouillards, PFCE (Plateformes du Commerce Equitable), le Mouves (Mouvement des Entrepreneurs Sociaux), le MRJC (Mouvement Rural Jeunesse Chrétienne), la NEF (Nouvelle Economie Fraternelle), la CGSCOP (Confédération Générale des Sociétés Coopératives & Participatives), l’UFISC (Union Fédérale d’Intervention des Structures Culturelles), CELAVAR, l’Union nationale des CPIE (Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement).
Liste des signataires
Michel Adam, Sophie Alary (Fnars), Amandine Albizzati, (la Nef), Claude Alphandéry (Président du Labo de l’ESS), Marc Alphandéry (AMAP), Dominique Balmary (Président de l’Uniopss), Yvon Bec, (Président de l’union nationale des CPIE), Jean‐Marc Borello (Président du Mouves), Jacky Blanc (Président de la Nef), Marie Bodeux (Présidente de l’Association les Petits débrouillards), Christiane Bouchart (Présidente du RTES), Zinn‐Din Boukhenaissi (Délégué général du CNLRQ), Jean‐Marc Brûlé (Conseiller régional Ile‐de‐France, Président de l’Atelier Ile‐de‐France), Jean‐François Connan, Jean‐Pierre Caillon (Président de l’Association Chantier‐Ecole), Christophe Chevalier (Président du Coorace), Pierre Choux (Président du Groupe Id’ées), Alain Cordesse (Président d’Usgeres), Jean‐ Baptiste de Foucauld (Pacte Civique), Richard Debauve (Président du Groupe ENVIE), Véronique Descacq (Secrétaire nationale de la CFDT) Sophie Desmazery (Directrice de Finansol), François de Witt (Président de Finansol), Jean‐Claude Detilleux (Président de Entreprises COOPFR), Bernard Devert (Président de Habitat & Humanisme), André Dupon (Président du Groupe Vitamine T), Laurent Fraisse (Chercheur au Cnrs), Patrick Gèze (Secrétaire général de l’Avise), Jérémie Godet (Président du MRJC), Etienne Fernandez (Carrefour des Pays Lorrains), Richard Hasselman (Président de Libr’acteurs), Jean‐Guy Henckel (Directeur des Jardins de Cocagne), Jacques Henrard, Madeleine Hersent (Présidente ADEL), Christine Illana (Association La Fraternelle en Sciences, Arts & Social), Cyril Kretzchmar, Laurent Laïk (Président du CNEI), Lionel Larqué (Les Petits débrouillards), Bruno Lasnier (Président du MES), Isabelle Laudier, Jean‐Louis Laville (Professeur au CNAM), Jean‐ Michel Lécuyer (Directeur général Sifa), Patrick Lenancker (Président de la Confédération générale des SCOP), Françoise Leroy (Vice‐présidente du Coorace), Daniel Le Scornet (Président de l’Association La Fraternelle en Sciences, Arts & Social), Nicole Maestracci (Présidente de la FNARS), Denis Maïer (Administrateur de l’Association Chantier‐Ecole), Edmond Maire, Caroline Naett (Secrétaire générale Entreprises Coop FR), Alain Philippe (Président de la Fondation Macif), Eric Pliez (Membre du bureau de la FNARS), Brigitte Plisson (Présidente Ile‐de‐France Active), Sébastien Ravut (Fondateur du site le marchecitoyen.net), Christian Sautter (Président de France Active), Hugues Sibille (Président de l’Avise, Vice‐Président du Conseil Supérieur de l’Economie Sociale), François Soulage (Président du Secours Catholique), Julie Stoll (Coordinatrice, Plate‐Formes pour le Commerce Equitable), Pascal Trideau (Directeur général de la Confédération Générale des SCOP), Christian Valadou (Président d’Aquitaine Active), Pierre Vanlerenberghe, (Président de la Fonda), Patrick Viveret (Collectif Richesses, Vice‐Président de l’Association Sol), Jean‐Pierre Worms.
Fils d'actualités très vivement conseillés :
La lettre du réseau culture sur Territorial.fr
Le "netvibes" de l'Observatoire des politiques culturelles
Les net-actualités sur le site d'Arteca
Le tableau de bord des Think tank (Netvibes)
Le calendrier francophone en sciences humaines et sociales, Calenda
et si vous êtes abonné Twitter : http://twitter.com/cultureveille