Normand Charest Dossiers Économie, Communautaire
Bien sûr, les dirigeants de ces institutions n’expriment pas leur opinion de manière aussi directe, car elle se révèlerait contraire à l’argument de «justice sociale» dont ils se réclament, eux qui se présentent simplement comme les serviteurs des États démocratiques.
Or, si le terme «démocratique» signifie un gouvernement du peuple, il ne convient plus à la réalité actuelle où tout le pouvoir est aux mains de la finance. Et il serait bien difficile de soutenir que celle-ci œuvre au service du plus grand nombre.
Comment appauvrir le peuple?
C’est ainsi que pour sauver l’euro il faudrait, selon la Banque centrale européenne (BCE), appauvrir le peuple. Comment? En augmentant les taxes, en réduisant les retraites pour tous, en reportant l’âge de la retraite (les ouvriers fatigués pourraient ainsi aider l’économie en mourant avant de toucher leurs rentes), en réduisant les salaires (mais pourra-t-on faire «rouler l’économie» si on ne peut plus consommer?), en augmentant le chômage par les licenciements, en réduisant les aides médicales et sociales (dont n’ont pas besoin les riches)…
Pendant ce temps, les impôts sur les sociétés qui étaient de 50% dans les années 1980 sont maintenant de 33,3%, selon les taux affichés, mais en réalité ils ne sont souvent que de 7%. La hausse des dividendes est de 13%. Et les dirigeants bénéficient de généreux bonus, alors qu’ils licencient ou appauvrissent les employés et qu’ils augmentent sans cesse leur charge de travail. On justifie cela par la nécessité d’offrir une taxation aussi faible dans les pays développés qu’elle l’est dans les pays émergents, afin d’attirer les investissements.
Enrichir les riches
En rendant tout cela abstrait, mathématique, on s’enlève toute responsabilité personnelle, politique ou sociale. On parle même d’«intérêt supérieur» auquel il faudrait se sacrifier et tant pis si cela coïncide, par hasard, avec celui des classes supérieures, ironise le Monde diplomatique (11/2011, p. 10).
Pour que l’on accepte plus facilement de se sacrifier à «l’intérêt supérieur», il faudrait au moins que toutes les classes sociales participent à l’effort de sobriété, y compris celles qui bénéficient des plus grands surplus.
Les réformes économiques
Mais les réformes qui nous sont présentées en ce moment constituent une injustice sociale que l’on cache sous un langage abstrait et inaccessible. On veut cacher la réalité sous un mirage de mots. Sinon, il serait bien difficile de l’assumer dans toute sa nudité.
Plus que jamais «l’argent mène le monde» et contrôle les gouvernements des États qui en dépendent. Une vraie démocratie n’est donc plus possible dans de telles conditions, puisqu’il n’est plus question de défendre les intérêts des populations, mais bien ceux de la finance.
Les manifestations
En réaction à cette perte de pouvoir sur leur destinée, les populations manifestent, en Grèce, en Espagne et ailleurs. On voit des «Indignés» occuper les lieux publics à Francfort (siège de l’économie européenne), à New York, Londres, Paris, Toronto, Montréal…