La fabuleuse histoire de la cuisine française ( suite )
Louis XVI est fort gros mangeur à l’instar de son aïeul Louis XIV, mais il est ignare en matière culinaire et fort loin de la délicatesse de gourmet de Louis XV.
Demandant à ses valets ce qu’on lui a préparé pour le déjeuner, on lui répond :
« Sire, un poulet gras et des côtelettes »
Il réplique alors :
» C’est bien peu. Qu’on me fasse des œufs en jus et qu’on y ajoute une large tranche de jambon »
Le soir de son mariage, au dîner officiel, il se » baffre » à en perdre le souffle » et comme son grand-père lui glisse :
» Voyons, ne vous charger point ainsi l’estomac « . Il réplique : » Pourquoi donc ? Je dors beaucoup mieux lorsque j’ai bien soupé !… »
Un boulanger vers le milieu du XVIII ° siècle
Louis XVI et Marie-Antoinette dînent tous les dimanches en public, mais la reine fait seulement semblant de manger ; elle dîne ensuite dans ses appartements au milieu de ses intimes.
A la cour comme à la ville, la mode est à la Russie : d’Alembert, Voltaire et Diderot chantent les louanges de Catherine II, autocrate de toutes les Russies, mais précurseur en matière de publicité ; elle a réussi à prôner la liberté, alors qu’elle a confirmé le servage à l’intérieur de ses frontières. Les philosophes, pourtant particulièrement au fait de ces contradictions, ne s’en font pas moins les chantres de ce » despotisme éclairé » et de nombreux restaurants russes ouvrent à Paris. Les échanges sont d’ailleurs nombreux avec la lointaine Russie où comédiens, savants et cuisiniers français sont reçus à bras ouverts.
N’oublions pas que le Français est la langue officielle dans toutes les cours d’Europe et que la Tsarine a été élevée par une Française, Babet Cardel à laquelle elle gardera toujours affection et reconnaissance. Mais la révolution française marquera la fin de cette ouverture à l’Est.
Outrée des excès de cette populace qui ose emprisonner et guillotiner son roi, la Tsarine n’offrira plus asile qu’aux exilés qu’elle comblera surtout… de bonnes paroles.
Une écaillère au XVIII ° siècle : les huîtres sont abondantes mais chères.
A Paris on n’emploie plus le terme de » coteaux » pour désigner les amateurs de bonne chère, mais ceux qui savent désigner la provenance et le millésime d’un vin dès la première gorgée. On les nomme à présent « gastronomes « . Parmi les plus connus, le comédien Desessarts ( 1738 – 1793 ) occupe une place de choix ; obèse, il lui faut un réel talent pour faire oublier au public ses formes rebondies.. Son appétit est prodigieux ; il mange à un seul repas ce qui suffirait à nourrir quatre ou cinq hommes. Son véritable nom est Denis Dechenel et il est procureur à Langres lorsqu’au cours d’un séjour à Paris, il découvre la Comédie Française, s’enthousiasme et décide de devenir comédien. Emile Deschanel raconte dans son » Histoire des Comédiens » :
» S’il était gourmand, il avait beaucoup d’esprit. Un bon dîner le mettait en verve. Il analysait avec éloquence la qualité de chaque mets et créait, pour les décrire, des alliances de mots d’une bizarrerie amusante.
Si les convives étaient aimables et beaux mangeurs, la gaité pantagruélique de Desessarts faisait explosion jusqu’au lyrisme et se manifestait poétiquement… »
Certains prétendent qu’il est en matière d’aphorismes le précurseur de Brillat-Savarin. C’est lui en effet qui affirme :
» La bonne cuisine est l’engrais dune conscience pure » et aussi :
» Il faut que le gigot soit attendu comme le premier rendez-vous d’amour, mortifié comme un menteur pris sur le fait, doré comme une jeune allemande et sanglant comme un caraïbe « ».
A Paris, comme dans les autres villes de France, artisans et petits bourgeois mangent au dîner, c’est-à-dire au repas de midi, de la soupe et du bouilli. Le bouilli est un morceau de boeuf ou de petit salé ou encore un morceau de veau. Au souper, on réchauffe la soupe du matin et le reste du bouilli est servi à la vinaigrette : c’est la persillade ou bien accompagné de l’antique sauce au vin vermeil, c’est le boeuf à la mode. Sauf les vendredi et samedi, jours maigres, la viande est quotidienne. Le boeuf est à Paris d’une qualité exquise.
L’art de bien faire les glaces ( Fin XVIII ° siècle )
Source : La fabuleuse histoire de la cuisine française de Henriette Parienté et Geneviève de Ternant