Pendant la campagne, le vacarme continue. Nous entamions notre seconde semaine de campagne officielle, avec 10 candidats et une égalité de temps de parole dans les médias radio et télévisuels. Certains espéraient que cela ferait la différence. L'équipe Sarkozy voulait surfer sur le drame de Toulouse. Nous avions d'autres sujets, d'affaires à commenter.
Plusieurs informations, apparemment sans rapport, avaient été révélées la semaine dernière, et pourraient affecter le sort judiciaire de Nicolas Sarkozy et de certains proches dans les mois à venir.
Les millions de Balladur
La justice a d'abord trouvé le chaînon manquant dans l'un des volets de l'enquête sur l'attentat de Karachi. Environ 10 millions de francs (1,5 million d'euros) avaient été déposés en espèces sur le compte de la campagne d'Edouard Balladur. Le trésorier de l'époque ne s'en souvenait plus de l'origine. En enquêtant sur le volet financier de l'attentat de Karachi, le juge Renaud van Ruymbeke avait trouvé la preuve d'un versement anticipé de 10 millions de francs par les autorités saoudiennes, dans le cadre de la vente de frégates françaises.
Ces derniers jours, le juge van Ruymbeke a recueilli le témoignage du gestionnaire de deux sociétés offshore créées par Ziad Takieddine et Abdul Rahman El Assir, les deux intermédiaires imposés par l'équipe Balladur dans la vente de frégates françaises à l'Arabie Saoudite et de sous-marins au Pakistan en 1993-1993. Et il a ainsi identifié, révélait Mediapart, sur un « compte de transit utilisé par les marchands d’armes, à la banque SCS Alliance de Genève, la trace d’une sortie en espèces de dix millions de francs en avril
1995. » Et de compléter: « L'argent provient directement de la vente des frégates en Arabie.»
Rappelons qu'à l'époque, Nicolas Sarkozy était ministre du budget. Selon plusieurs documents, il a validé le montage financier et fiscal de versement des commissions de ces deux contrats (via la société HEINE). Deux proches du Monarque ont été mis en examen l'an dernier dans le cadre de cette affaire: Nicolas Bazire et Thierry Gaubert. Ziad Takieddine, également mis en examen, était un proche ami de Brice Hortefeux et de Jean-François Copé.
La semaine dernière, la Cour de Cassation a rejeté la demande de désaisissement des juges Van Ruymbeke et Le Loir qu'avait demandé Takieddine.
Les millions de Kadhafi
La semaine dernière,
un ponte de l'ancien régime Kadhafi a été arrêté en Mauritanie.
Abdallah al Senoussi était le négociateur représentant l'ancien
dictateur avec Claude Guéant, Brice Hortefeux et Ziad Takieddine, quand
ces derniers vendaient des équipements de surveillance i2e (devenu Amesys). En juillet dernier, Mediapart affirmait notamment que Ziad Takieddine avait «
obtenu, en avril 2007, en pleine campagne présidentielle, des
commissions occultes sur un marché de livraison de matériel de guerre
électronique vendu par la société i2e (filiale du groupe Bull) à la
Libye. Sur ce premier contrat, destiné à crypter les communications du
régime et à contrer la surveillance des services secrets occidentaux, un
montant de 4,5 millions d'euros a été versé à M. Takieddine. »
On
soupçonne Abdallah al Senoussi de détenir des informations sur le
financement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. Voici 15 jours, Mediapart citait un témoin, qui s'est rétracté depuis, mentionnant des versements du régime libyen pour le compte de la campagne de Sarkozy en 2007.
Senoussi devrait être extradé vers la Libye.
Lundi 26 mars, Ziad Takieddine n'a pas « mâché » ses mots contre son ancien mentor: « vous pouvez remarquer qu'en tant que citoyen
français avisé je ne voterai pas Nicolas Sarkozy ! Je souhaite pour mon pays un
président qui n'aurait pas fait partie, ou "trempé", dans ce milieu.»
Les millions de Bettencourt
Autre enquête, autre affaire. Patrice de Maistre a été arrêté. « L'ancien gestionnaire de
fortune de Liliane Bettencourt a été placé
vendredi en détention provisoire après une nouvelle mise en
examen », a annoncé le parquet de Bordeaux. Le JDD a complété d'un scoop dimanche dernier: Patrice de Maistre a été placé en détention à cause du financement de la campagne présidentielle de Sarkozy en 2007. Rien que ça.
Le juge en charge de l'instruction a en effet récemment obtenu la preuve de versements en espèces, pour 4 millions d'euros au total, des comptes suisses des époux Bettencourt via Patrice de Maistre. Laurent Valdiguié, du JDD, précise « Le juge Jean-Michel Gentil, qui mène l’instruction, estime "qu’il existe
désormais à l’encontre du mis en examen Patrice de Maistre des charges
importantes d’avoir participé à un système de “mise à disposition
d’espèces par compensation” du 5 février 2007 au 7 décembre 2009 pour
des montants considérables de 4 millions d’euros ».
Le juge s'interroge notamment sur la coïncidence des dates de deux versements de 400.000 euros avec des rencontres avec Woerth puis Sarkozy (le 5 février 2007 « deux jours avant le deuxième rendez-vous dans un bar entre Patrice de Maistre et Éric Woerth intervenu le 7 février 2007 » et le 26 avril 2007).
Vendredi dernier, Patrice de Maistre a nié avoir remis de l'argent à la campagne de Nicolas Sarkozy.
Assez curieusement, Nicolas Sarkozy n'a été interrogé sur aucune de ces trois développements lors de son intervention radio sur France Info ce lundi 26 mars.