Iberia tente sa chance sur le marché low cost.
Cette semaine, Iberia Express inaugure ses premières lignes et desservira d’ici peu dix-sept destinations avec une flotte de quatorze A320 et un effectif minimal, 500 personnes seulement. Filiale à 100% d’Iberia, la «nouvelle» compagnie vise un objectif clairement établi, qui tient en peu de mots, rétablir l’équilibre financier du réseau court-courrier, mis à mal par la concurrence féroce des low cost. Les prix d’appel seront de 25 euros.
Cette expérience espagnole sera suivie avec la plus grande attention, avec un intérêt teinté de perplexité. Iberia, en effet, s’aventure tête baissée sur un terrain ou d’autres ont échoué. Il s’agit, en effet, de créer des conditions de cohabitation pacifique entre une maison-mère qui peine à changer d’époque et une filiale montée en «perruque», chargée de réussir sans cannibaliser les moyens de l’entreprise qui lui a donné naissance. Quoi qu’on en dise à Madrid ces jours-ci, la mission est périlleuse, sinon impossible, comme d’autres l’ont découvert précédemment à leurs dépens.
La mémoire collective du groupe IAG (International Airlines Group), qui contrôle tout à la fois Iberia et British Airways, apparaît d’ailleurs étonnamment courte. Sans quoi les dirigeants anglais auraient rappelé à leurs collègues espagnols comment ils ont lamentablement échoué avec leur défunte filiale Go !. Laquelle, pourtant menée avec dynamisme, a bien involontairement prouvé que deux modèles économiques divergents ne peuvent pas vivre heureux sous la même ombrelle. D’où le souhait qu’Air France fasse preuve de la plus grande prudence, au moment où elle réfléchit à des projets comparables à Iberia Express.
Cette dernière, par le seul fait de sa création, constitue une victoire de plus pour Ryanair, EasyJet et leurs compères. Toutes les grandes compagnies traditionnelles, les «legacy carriers», se heurtent en effet aux mêmes problèmes insolubles : leurs coûts de production sont trop élevés par rapport à ceux des low cost. Si elles alignent leurs tarifs sur ceux des prédateurs, leurs comptes sont inévitablement soldés à l’encre rouge. Si, tout au contraire, elles choisissent de maintenir leurs prix, leur clientèle s’évapore.
C’est la méthode de la «perruque» qui est dangereuse. Il est pratiquement impossible de faire voler quatorze A320 avec un effectif de 500 personnes, personnel navigant inclus. En d’autres termes, Iberia Express sous-traite l’essentiel de sa logistique à un fournisseur qui n’a rien de low cost, les comptes sont biaisés, l’équation bancale. Si, demain, la nouvelle compagnie annonce de bons résultats financiers, ce sera inévitablement au détriment de sa maison-mère, à travers un jeu pervers de vases communicants.
En y regardant bien, Iberia a néanmoins choisi de limiter les risques. En effet, la liste des dix-sept premières destinations d’Iberia Express comprend peu de villes étrangères, notamment Amsterdam et Dublin. Mais il y a quand même mélange des genres dans la mesure où Rafael Sanchez-Lozano, directeur général d’Iberia, et Luis Gallego, patron d’Iberia Express, affirment en chœur que la nouvelle venue contribuera à renforcer le hub de Madrid-Barajas. Ne cherchons plus l’autre erreur, c’est là qu’elle réside ! Une low cost n’exploite que les lignes de point à point, ne cherche pas une clientèle de voyageurs en correspondance et, qui plus est, évident de desservir de grandes plates-formes comme Barajas qui ne se prêtent pas à des demi-tours ultra rapides. Rendez-vous en fin d’année, à l’heure du premier bilan.
Pierre Sparaco - AeroMorning