Agence France-Presse
Paris
Les enquêteurs français ont mis la main sur un montage vidéo des tueries de Mohamed Merah envoyé mercredi dernier à la chaîne qatarie Al Jazeera, tandis que le père du tueur au scooter a annoncé lundi en Algérie vouloir porter plainte contre la France pour «avoir tué» son fils.
Les crimes du jeune jihadiste français Mohamed Merah ont replacé la sécurité au coeur de la bataille pour l'élection présidentielle française, à quatre semaines du premier tour, le sortant Nicolas Sarkozy s'estimant le plus crédible sur ce thème.
Quatre juges d'instruction ont été désignés pour enquêter sur cette affaire, et notamment tenter d'établir le degré d'implication du frère aîné de Mohamed Merah, Abdelkader, ainsi que l'identité de l'expéditeur du montage vidéo, inconnu pour le moment.
Filmé par Mohamed Merah grâce à une mini caméra sanglée sur lui, le montage vidéo, «stocké sur une clé USB», était contenu dans une enveloppe postée mercredi et envoyée au bureau parisien d'Al Jazeera, selon des sources policières.
«C'est un montage vidéo des images des différentes tueries avec de la musique et des versets du Coran», a indiqué à l'AFP l'une de ces sources.
Mohamed Merah, tué jeudi par les policiers du Raid qui assiégeaient son appartement toulousain depuis une trentaine d'heures, était seul quand il avait, au nom du jihad et d'Al-Qaïda, froidement assassiné sept personnes à Toulouse et Montauban les 11, 15 et 19 mars.
Pour autant, les quatre juges antiterroristes nommés pour instruire cette affaire ont mis en examen dimanche son frère Abdelkader Merah, personnage clé réfutant toutes les accusations.
Sa mère et sa compagne étant ressorties libres de garde à vue, il est la seule personne détenue dans ce dossier, et ce à l'isolement à la maison d'arrêt de Fresnes (Val-de-Marne), selon une source syndicale.
Cet homme de 29 ans, connu des services de police pour son engagement de longue date en faveur d'un islam radical, est soupçonné de complicité d'assassinats pour les trois tueries et d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'actes de terrorisme.
Reste à déterminer la nature de cette complicité.
Abdelkader Merah est notamment poursuivi pour vol en réunion pour avoir participé avec son frère au vol le 6 mars à Toulouse du puissant scooter que Mohamed Merah a utilisé lors des tueries.
Il refuse d'être «le bouc émissaire»
De source proche de l'enquête, on indique qu'Abdelkader Merah a également fait, pour le compte de son frère, des achats d'«accessoires de motocycliste».
Par ailleurs, selon une source proche de l'enquête, Abdelkader Merah aurait longuement dîné avec son cadet le 18 mars, la veille de l'attaque de l'école juive.
On indiquait cependant samedi que l'examen du contenu des ordinateurs d'Abdelkader n'avait rien révélé de probant et la perquisition de son domicile n'a mis au jour ni arme, ni explosif, selon cette même source.
Dimanche soir, son avocate, Me Anne-Sophie Laguens, a précisé que son client réfutait tous les chefs d'accusation et qu'il refusait de devenir «le bouc émissaire des actes de son frère», des crimes qu'il a, selon elle, «fermement» condamnés. «Il ne faudrait pas déplacer le procès qu'on aurait aimé faire à Mohamed Merah sur lui parce que c'est le seul qu'on ait en ce moment», a-t-elle ajouté.
«Il n'est pas du tout fier des actes de son frère comme ça a été dit un peu partout dans la presse», a-t-elle assuré. Lundi, une source proche de l'enquête a réaffirmé à l'AFP que M. Merah s'était dit «très fier» des actes de son frère.
«Hors procès-verbal, il a dit "Je suis très fier de ce qu'a fait mon frère"», a affirmé cette source. «Sur PV, il ne le dit pas.»
Lundi, le président Nicolas Sarkozy, répondant aux critiques sur l'action de la police dans cette affaire, a affirmé sur une radio qu'après les tueries de Toulouse et Montauban, tous les services secrets, de renseignement et de police des démocraties étaient «sur les dents».
Lundi soir, le père du tueur, Mohamed Benalel Merah, a indiqué vouloir enterrer son fils en Algérie, où il vit. Il a aussi dit vouloir porter plainte contre la France. «Je vais engager les plus grands avocats et travailler le reste de ma vie pour payer les frais. Je vais porter plainte contre la France pour avoir tué mon fils», a déclaré à l'AFP M. Merah.