Jeudi sur Twitter a été initié le hashtag #jenaipasportéplainte par le collectif Pas de justice pas de paix. Il s’agissait pour celles et ceux qui le souhaitaient de dire pourquoi, alors qu’ils avaient été agressés ou violés, ils n’avaient pas porté plainte.
Seulement 10% des femmes portent plainte pour viol. Des hommes.. on ne sait pas, sans doute un pourcentage encore plus infime.
Alors il s’agissait de dire pourquoi. Vous trouverez sur le site les multiples raisons – et qui au fond sont toutes si semblables – qui font qu’on ne porte pas plainte.
J’ai lu ça et là que l’initiative était ridicule. Lorsqu’a été lancée la lutte contre le Mademoiselle, certains et certaines n’avaient pas de mot assez fort pour nous expliquer qu’il y avait d’autres combats : le viol donc. Lorsque, quelques mois plus tard, j’ai rappelé la slut walk qui concernait justement le viol, il y avait beaucoup moins de personnes à ouvrir leur grande gueule de connard pour relayer ce combat. Et la semaine dernière pour ce hashtag ? Personne. Nos valeureux spécialistes du féminisme qui avaient tant de choses à dire pour le Mademoiselle, qui se fendent d’une connerie le 8 mars, n’en ont strictement rien eu à taper.
Et donc pourquoi twitter pour cette initiative ? Parce qu’on peut y témoigner de manière anonyme. parce que le système de hashtag permet de s’y retrouver facilement. Parce que le mouvement est internationalisé.
Certains et certaines témoignaient du courage qu’il fallait pour oser en parler. Le mot me pose problème ; problème car il sous-entend que celles et ceux qui ne l’ont pas fait en manquent. Problème parce qu’il ne devrait y avoir aucun problème à parler d’un viol. Si demain on me casse la gueule dans la rue, je n’aurais aucun problème à en parler. Si on me viole… ca sera différent.
Quand vous dites que vous avez été violée, vous êtes votre viol. Vous n’êtes plus autre chose. Si vous êtes féministe… malheur ; ca explique votre délire (et votre haine des hommes). On vous sortira un magnifique « je comprends mieux tes réactions« . Ne pas dire son viol est encore un putain de processus de survie pour éviter d’être marquée comme La violée. Qui a sa vie foutue. Et si sa vie n’est pas foutue c’est drôlement inquiétant (elle a peut-être aimé ça ? Ou elle ment ? Elle exagère peut-être ?). Il y a des discours souvent totalement schizophréniques à l’égard des femmes et en matière de viol, c’est très révélateur. Il faut à la fois s’en remettre et ne jamais s’en remettre.
Un homme violé sera soupçonné – pensez-donc c’est un homme il n’a qu’à se défendre – d’avoir aimé ca, donc d’être un pd (j’emploie le mot à dessein car celles et ceux qui on ce genre de pensée parlent de pd, jamais d’homosexuels). Comment un homme pourrait-il porter plainte ? Comment pourrait-il dire qu’il a été pénétré de force ? J’ai vu très peu d’hommes parler en utilisant le hashtag et je le comprends et le déplore. Mais il y a un risque véritable clair à dire qu’on a été violé. le Manifeste le dit « la honte doit changer de camp » ; pour l’instant la honte est très installée dans le camp de celles et ceux qui ont été violés.
Mais revenons en donc à ce hashtag. Très vite donc il a été trollé. Tous les hashtags « sérieux » ne sont pas trollés, précisons le.
Ici cela a été très caractéristique. Des gens tentent de dire pourquoi ils n’ont pas porté plainte – donc disent qu’ils ont été violés – et on leur coupe la parole. On en rigole et surtout on dédramatise en reprenant le hashtag pour dénoncer tout et rien.
Certains ont prétendu qu’il y avait, parmi ces gens qui témoignaient, beaucoup de menteuses, qui cherchaient à attirer l’attention. Qu’on m’explique en quoi le fait de dire qu’on a été violée fait de vous une personne soudainement intéressante ?
Et on se demande encore pourquoi on ne porte pas plainte ?
Les initiatrices de la pétition ont du passer par des subterfuges – je vous épargne les explications twitteresques – pour arriver à ce que la parole continue encore à s’exprimer sans être trollée. La messe était dire ; encore une fois les personnes violées se taisaient.
On dormait en paix.
C’est au fond peut-être ca qui m’énerve le plus. Quand on parle du langage, on nous renvoie au viol. Et quand on parle du viol, soudainement ca n’a aucun intérêt ou c’est un sujet de moquerie. En fait posons clairement les choses.
Disons simplement qu’il y a beaucoup de viols – vraiment beaucoup – dans le monde et qu’on s’en contrebalance. Que cela n’est pas un sujet. Que cela n’intéresse personne. Que même s’il y a tant de viols que cela devient difficile de les ignorer, d’en faire des cas individuels, on va juste se dire que ce sont des accidents, des anecdotes.
En vrai personne n’a envie de connaître le nombre de viols.