Depuis la publication des théories de Mijaíl Bajtín, nous savons que l’art, celui de tous les temps et de tous les genres possibles, est éminemment dialoguiste. C’est à dire que les expressions artistiques, par le simple fait de l’être, sont en dialogue constant et changeant entre l’émisseur et le récepteur de telle façon que le sens même des œuvres arrive à se modifier. Ce qui peut sembler une énormité au lecteur, peur s’illustrer avec quelques exemples sonores. La perception de la figure du Don Quichote, pour citer un des classiques universels, s’est adaptée et modifiée au long de ces quatre siècles d’histoire. Sans vouloir exposer une théorie littéraire qui n’apporterait rien à cet article, il faut néanmoins remarquer qu’en la matière il y a certains artistes contemporains très préoccupés par la “Théorie de la réception”, héritière du dialoguisme de Bajtín. En suivant cette ligne, l’œuvre d’art comme concept fermé et terminé, se génère, construit et récrée au fur te mesure des différentes lectures de la part du récepteur.
Avec cette idée comme substrat, la très jeune artiste Alex Reynolds (née à Bilbao en 1978), en utilisant surtout les techniques audiovisuelles, se centre sur les champs de l’installation et de la performance pour impliquer le spectateur dans son propre projet. Le dialoguisme donne un pas en avant jusqu’à avoir besoin de la figure de l’autre pour construire l’œuvre. Connue pour ses vidéos énigmatiques présentées dans des fondations et centres d’art dans tout le pays et disponibles sur Internet, le projet qu’elle présentera dans la Fundación Miró de Barcelone du 16 mars au 29 avril a une incidence sur cet aspect: dans l’œuvre d’art inachevée, dans les réactions du spectateur, dans la construction de la communication à travers de l’interaction avec l’autre de manière totalement spontanée et sans scénario, dans la radicalisation de la performance et dans l’utilisation des médias pour exécuter ses projets.