Découvrir la rétrospective des œuvres de Berthe Morizot au musée Marmottan m’a furieusement donné envie d’en apprendre plus sur cette femme dont l’art illumine l’école des Impressionnistes par sa douceur, son élégance, la spontanéité de son trait, sa lumière. Une vie qui aurait pu aussi être un roman, aussi courte que dense, toujours tendue vers la perfection, sans aucune complaisance devant son art, pourtant si éclatant aujourd’hui.
J'ai d'ailleurs acheté le livre à la boutique du musée ...
En cette époque « collet-monté » du Second Empire, devenir peintre professionnel n’est pas évident pour une jeune fille. Berthe doit à sa mère d’avoir été encouragée dans cette voie. Avec ses deux sœurs, Yves et Edma. Elle recevra une solide formation sans pouvoir entrer à l’Ecole des Beaux-Arts, réservée aux garçons. Mais elle copiera les grands Maîtres au Louvre. Inséparable de sa sœur aînée Edma, elle aussi peintre talentueuse, Berthe Morisot est une mince jeune fille au regard sombre, à la chevelure rebelle, mystérieuse, farouche, un peu brusque. Elle va pourtant s’intégrer pleinement à ce groupe des peintres « Refusés » par le Salon académique et fréquenter Beaudelaire, Cezanne, Degas, Renoir, Fantin-Latour, Whistler, Thiers, Nadar, Puvis de Chavannes, Mallarmé, Monet, Mary Cassat, et surtout Edouard Manet. Surtout lui, qui refuse l’étiquette « impressionniste », qui veut qu’on le reconnaisse au point de payer de ses deniers une exposition où ses œuvres font scandale comme Le déjeuner sur l’herbe et Olympia. Berthe le tient en grande admiration, et pose pour lui, le regarde peindre. Il fera d’elle quatorze portraits, dont l’extraordinaire Berthe Morisot au bouquet de violettes et le Balcon. Mais, pendant les séances de pause, la mère de Berthe sert toujours de chaperon…
Berthe Morisot appartient à la grande bourgeoisie. C’est une jeune fille comme il faut, et elle est animée d’une ardeur au travail extraordinaire. Manger ne l’intéresse pas, se marier non plus. Elle souffre d’anorexie, il lui arrive de tomber d’inanition devant son chevalet, elle n’est jamais satisfaite de son travail. Sa mère désespère lui trouver un époux convenable. Elle a éconduit Pierre Puvis de Chavannes, mais elle acceptera finalement d’épouser, à 33 ans, Eugène, le frère cadet d’Edouard Manet. Mystérieusement, ce mariage de raison se transformera en amour profond et leur unique enfant, Julie, deviendra le modèle absolu pour sa mère.
Au-delà de cette tranche de vie si représentative des changements majeurs de cette période agitée, qui voit la fin d’un Empire, le siège de Paris, l’insurrection de la Commune, l’éclosion en France d’un style pictural jamais égalé depuis, Dominique Bona décrit les émois et les attentes d’une femme complexe, talentueuse mais fermée, qui meurt prématurément d’une grippe compliquée d’une pneumonie, à 54 ans , dans la plénitude de son art, et ayant enfin acquis, si ce n’est la gloire, du moins une certaine sérénité. Une vie de femme exceptionnelle, si féminine parmi ce monde d’hommes, parfois si brutes…Berthe Morisot, le secret de la femme en noir, par Dominique Bona, Grasset, Le livre de poche, 375 p., 6€