J’ai reçu ma facture d’électricité - Episode 3

Par Yoyolajolie

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Monproblème de facture de CIE enfin réglé, je guette la sortie du bâtiment poursavoir si « les gros bras » de tout à l’heure sont toujours là. Enpassant la tête, je m’aperçois qu’un nouveau gnaga* occupe l’attention de tous. Une tantie affairée* raconte déjà l’histoire.
« Dépuuuuu matin, 7h30, les gens sont là. Lescaissières sont arrivées entre 8h-8h30. Sur 5 guichets, yen a 2 seulement qui ontouvert. Et pu*, elles disent on na qu’à se patienter* parce qu’elles n’ont pasencore manger leur pain. »
{Manger sonpain = prendre son petit déjeuner. L’image du spaghetti et de la tomatecoincés dans les dents de la Directrice commerciale m’est revenue.}
« Elles prennent tout leur temps. Pourcalculer là même on parle pas. Calculatrice waaah, ordinateur waaah, systèmeinformatique waaah, tous les quoi-quoi-quoi pour calculer* vite-vite là, ellesait pas utiliser. Donc, elle s’est levée pour aller demander à sa camarade.Quand elle est revenue, elle dit on n’a qu’à se patienter encore parce quecourant est coupé… Tchrououuuu*….!!! N’importe quoi ! Se foutent desgens ! Donc, elle dit que leur système informatiquelà est en panne. C’est dans ça, ya un monsieur qui n’a passupporté. Il a pété les câbles ! Voilà palabre ! »
{Péter les câbles =péter un câble - Je ne sais pas pourquoi les ivoiriens aiment déformer lefrançais pour dire la même chose au final !}
« Les gens ont soulevé le palabre du monsieurlà. Le surveillant était débordé. Il est sorti de la cour pour appeler del’aide… »
Ellen’avait pas fini son récit que je compris pourquoi il y avait ce dozo* qui caressait fermement lesmollets de certaines personnes avec une chicotte.

Dessin réalisé par A. Kelson 12 pour www.caric-actu.com


Ilfaut savoir que le surveillant de la CIE a à sa charge la bonne gestion desrangs. Il doit empêcher l’accès aux infiltrés et arrêter les cafouillages. Cac’est la partie officielle. Dansla partie officieuse, le surveillant de la CIE est le plus souvent illettré etne connaît que la loi du bâton. Souvent impuissant devant une demande derenseignement, il est parfois la cause de malentendus et dégaine au quart detour.Sagestion des rands est très simplifiée:-  Un client trop nerveux, il en vient auxmains ;-  Une personne qui se trompe de rang, il s’abatsur le malheureux ;-  Une bousculade, il dégaine la ceinture ;-  Un palabre qui éclate, il devientkaratéka ;-  Une vague de protestation, il ponctue lacacophonie d’insultes exotiques.-  Un cafouillage, il sort la solutionultime : le tonton dozo*.
Abasourdie,je demandais naïvement, « Mais d’où ils sortent ces gens ? Qui c’estqui les recrutent ? »-  Aie ?? Question faut pas poser, c’est ça yposer ? Rétorqua la tantie. « Quand tu vois leur pantalon-treillislà… »
Yeuxvoient, bouche parle pas. J’ai pris ma route en même temps.
Légende :*Gnaga :dispute, palabre* Une tantieaffairée : une tantie très curieuse, qui cherche à tout savoir et qui estla première à tout répéter.* Etpu : et puis (déformation).* Sepatienter : patienter, attendre (déformation).*Tchrououuuu :onomatopée marquant la désapprobation.* Soulever lepalabre de quelqu’un : entrer dans la dispute.* Tous lesquoi-quoi-quoi pour calculer: tous les outils qui permettent de faire lescalculs.* Dozo :chasseurs traditionnels du Nord de la Côte d’Ivoire.Retrouvez l'épisode 1 et l'épisode 2.