L’album prédédent, « Des Vagues et des ruisseaux », était très acoustique, celui-ci a une teneur nettement plus électronique.
Je n’ai pas lâché l’acoustique. Simplement, c’est en enregistrant mes maquettes à la maison que je me suis mise à utiliser des basses synthétiques, qui m’ont donné la direction où je voulais aller. Ce qui m’a donné aussi une idée des gens avec qui j’avais envie de travailler : Ludovic Bruni, Vincent Taeger et Vincent Taurelle tournent avec le big band jazz Le Sacre du Tympan, mais ont aussi collaboré avec des formations plus electro, Poni Hoax pour Taeger, Air ou Émilie Simon pour Taurelle, par exemple. À eux trois, ils ont élargi la palette de son, tout en conservant les arrangements que j’avais préparés pour mes maquettes. ça donne, je crois, un savant mélange d’acoustique et d’électronique.
Sous cet « emballage » somme toute assez guilleret, les paroles, elles, sont nettement plus sombres. Et il y a ce « fantôme », dont on a l’impression qu’il est partout, jusqu’à la sublime «Suzanne», le dernier titre : c’est elle, le fantôme ?
En fait, j’ai écrit les chansons les unes à la suite des autres et, au fur et à mesure, je me suis rendu compte qu’elles étaient toute très liées. Cet album clôt un chapitre de ma vie où je ressentais comme une absence qui, au fil de l’écriture, s’est changée en une présence… rassurante. Comme des voix au-dessus de mon épaule, qui traversent tout l’album, et je suis contente qu’elles aient été là, elles ont fait partie intégrante du processus créatif. Et donc, oui, l’imaginaire Suzanne en fait partie, elle est finalement le témoin de ça. De ce que ces voix m’ont fait toucher du doigt certaines de mes obsessions, l’âge, l’enfance qui s’en va, le temps qui passe…
Au diapason de paroles plus intimes, votre voix paraît changée. Pourtant, on sent une certaine retenue, une pudeur. Comme si, sans mauvais jeu de mots, vous ne vouliez pas utiliser tout le spectre de votre voix.
C’est vrai. Je sais depuis le début ce que ma voix me permet. Pourtant je n’ai jamais considéré le chant comme une performance, mais comme un véhicule d’émotions. Peut-être plus que par le passé, j’ai pris le temps d’élaborer des morceaux beaucoup plus travaillés – ce qui peut expliquer que l’album ait moins de titres. En tout cas, j’ai fait beaucoup de recherche, à chaque titre, pour trouver la bonne tonalité, le bon timbre, le bon tempo.
Est-il aisé de répercuter sur scène tous ces éléments, l’intime, l’acoustique, l’électronique… ?
J’ai pris beaucoup de soin en préparant la tournée à faire en sorte d’amener le public dans le climat très particulier de l’album. Il y a eu tout un travail sur la vidéo, la scénographie. La construction du set aussi, pour une montée de l’ambiance, qui préserve l’équilibre rythme/intime et synthétique/acoustique. Je reprends aussi d’anciens morceaux, comme «Du courage» ou «On savait (devenir grand)», mais réarrangés à la façon de «La Place du Fantôme». Et ceux-là, je suis toujours impatiente de les faire découvrir ! •
Recueilli par Sébastien Le Jeune
En première partie, Botibol.
Mercredi, à 21h, 22€. Tél. 05 56 33 66 00.