Le Delanopolis est heureux de vous faire partager le tonique article de David Langlois-Mallet, paru sur le site Rue 89.Les différences de sensibilité politique n'empêchent pas de se retrouver pour dénoncer les imposteurs et les démagogues quand il le faut !
"Pas d'erreur sur la culture monsieur le candidat du « rêve français » !
Au meeting culture de vos supporters au Cirque d'hiver vous avez fait applaudir le nom de Delanoë « exemplaire » selon vous en matière de politique culturelle. Attention, c'est une grave confusion et un bien mauvais bateau qui associe à culture le nom de Delanoë. A la différence des armes de la ville, il coulerait à la première vague comme son « pari olympique » le fit en son temps.
Prenez le temps de vous informer auprès des meilleurs réseaux, le think tank Altaïr par exemple avec qui nous venons d'écrire une proposition complète, sur le sens qu'il y a ici à associer Delanoë et culture. Il y a assez de politiques culturelles socialistes exemplaires en France à mettre en valeur, en Rhône-Alpes, en Bretagne, ailleurs pour vous éviter une grave faute.
Une ville à péage
Faut-il vous apprendre que le lien entre les citoyen(ne)s de Paris et les lieux de culture de proximité a été détruit systématiquement onze ans durant par sa politique ? Même si certaines mairies d'arrondissement ont tenté sans moyens parfois de compenser ses erreurs, la mairie centrale, qui se prend par une vanité personnelle ridicule pour un ministère de la Culture bis en même temps qu'un office du tourisme, substitue à toutes les traces d'activité culturelle vivante, spontanée ou populaire qui sont pourtant l'essence de Paris et le rêve d'art de vivre que l'on vend aux touristes, un modèle de culture unique, policée, bobo, glacée, puant la distinction par l'argent et les compromis avec le marché de la mode ?
Bilan ? Une ville à péage, bradée au groupe de luxe LVMH où vivre simplement nécessite 3 000 euros par mois. Aujourd'hui, trois parmi les derniers lieux ressources (où l'on fait des rencontrent intéressantes en dehors du lien de l'argent) lancent des SOS.
la Ville de Paris expulse à Ménilmontant le squat du Carrosse (animé par deux figures du Paris underground, Yabon et Cathy Poulain) dont les artistes ont refusé de se soumettre à un chantage personnel : échanger un lieu collectif porteur de sens contre l'avantage d'un relogement personnel ;
la municipalité tente d'étouffer le Lavoir Moderne Parisien en créant à grand frais un lieu richement doté qui ouvrira aux agents immobilier le cœur du quartier populaire de Paris ;
elle menacerait même le musée du Montparnasse en soutenant une polémique sans fondement contre son remarquable directeur Jean Digne, qui revivifie chaque jour la culture vivante en tissant des liens entre les gens du monde francophone et ceux des quartiers populaires. On parle de menace sur sa subvention, est-ce vrai ?
Gentrification culturelle
Le cas de la Goutte d'Or mérite qu'on s'y arrête. Le dernier quartier populaire de Paris est l'exemple parfait de la gentrification culturelle. A Paris, cette mise aux normes bourgeoises de la ville qui évince petit à petit le peuple et laisse libre court à la spéculation immobilière se fait avec un cheval de Troie imparable : la culture.
La Goutte d'Or, c'est un quartier populaire d'aujourd'hui. C'est-à-dire que le peuple y vient des quatre coins du monde, comme on venait dans le Paris du XIXe siècle des quatre coins de France. La culture populaire parisienne ? C'est l'art de vivre ensemble des provinciaux et des étrangers. Sur un air de java ou de châbi, dans un slam ou de graf », c'est le langage commun que les gens s'inventent pour échanger quand ils n'ont pas les mêmes origines.
C'est exactement ce mélange que pratique le Lavoir Moderne Parisien depuis trente ans. Les grands mafés de rue, les œuvres de Novarina ou un concert de reggae y sont également accessibles, au prix de l'apéro et avec la même décontraction. On peut y croiser des gamins à casquette et des bobos, des Blancs et des Noirs, des petites vieilles et des poètes, bref des amoureux de culture sans condition de revenus.
Esthétique froide de show-room
Non seulement Le Lavoir aux 500 événements culturels annuels reçoit un soutien dérisoire de la ville. A quoi peut-on comparer les 50 000 euros de subvention qu'il reçoit par an pour son travail de cohésion culturelle de quartier ? Certainement pas aux millions d'argent public qui arrosent le 104, paquebot bling-bling qui a échoué en naufrageant tous ces liens avec les acteurs du quartier et qui tente actuellement sa difficile remise à flots.
Mais encore, à coup d'audits qui ne montrent aucune erreur de gestion, pour ce petit pécule on lui fait-on une guerre comptable sans fin.
Que comprendre quand dans le même temps la Ville exige la tête d'Hervé Breuil, directeur de ce petit théâtre indépendant et figure emblématique du quartier, quand elle se prépare à investir des sommes considérable dans un projet concurrent juste au coin de la même rue avec une équipe privée qu'elle a choisie ? Simplement que la culture Delanoë doit être sous contrôle politique total, que les lieux de culture vivante ont presque tous disparu. Qu'il s'agit partout de substituer à la culture qui a toujours monté des quartiers de Paris un modèle unique de culture descendant de l'Hôtel de Ville, avec ses codes de distinction accessibles seulement aux bobos et son esthétique froide de show-room. Que cette politique culturelle fermée a pour effet de déstructurer la convivialité de quartier, de mettre la ville au normes de l'habitat et de la spéculation immobilière.
Car dans le même temps, où les besoins de logements sont vitaux, que fait-on des immenses espaces centraux comme celui de la Samaritaine ? Un hôtel de luxe géant face à la Seine. Ah, oui. Avec une crèche dans un coin pour que nul ne puisse rien dire.
L'art du Paris capitale
Alors que l'on fête la Commune, que le peuple en rouge manifeste à la Bastille, Paris n'a pas fini pas d'être punie pour ses Révolutions. En 1871, on a massacré les habitants des quartiers populaires femmes et enfants compris. La punition urbanistique est venue des gouvernements, puis des maires de droite qui ont rasé au fil du temps la moitié de la ville, déplacé honteusement en banlieue les vieux habitants amenant le désordre d'une surpopulation mal préparée.
La punition a été la mise en coupe réglée par les marchands et les promoteurs de l'autre côté. Les bouillons de culture populaire, les Halles (ventre de Paris), Montparnasse patrie des artistes du monde (900 ateliers rasés pour une tour de bureau) ont été systématiquement détruits, mis au pas, normalisés.
On a espéré de la venue de la gauche. La réponse est venue par une culture vitrifiée qui tombe de l'Hôtel de Ville sur les quartiers qui contribue depuis onze ans à détruire l'esprit de Paris, à repousser le populaire et à « gentrifier » l'espace urbain. L'art du Paris capitale méprise et détruit ainsi la culture issue des quartiers qui est pourtant, autant que le patrimoine ou le luxe, l'identité de Paris. C'est même son âme.
Alors quand on nous demande de croire, une fois encore, une clarification s'impose. A quoi se réfère monsieur Hollande votre rêve culturel français pour les cinq ans qui viennent ? A une politique d'émergences, de proximité vivante misant sur la créativité, la diversité et l'expression du peuple ou à la politique institutionnelle glacée et morte d'une ville à péage exemplaire ?"
David Langlois-Mallet
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