Remis du choc que l'oeuvre évoquée dans l'intitulé de ce billet avait provoqué auprès de tous les amateurs de pièces un minimum structurées, nous avions bien voulu considérer celle-ci comme une erreur de débutants. Erreur qui fut toutefois, reconnaissons-le, un triomphe que nous ne nous sommes toujours pas expliqué. Il semblerait qu'aujourd'hui, Jean Franco et Guillaume Mélanie soient encore loin d'avoir terminé de faire leurs armes dans le domaine de l'écriture théâtrale, au vu de leur second boulevard qu'ils ont offert à Véronique Genest.
Sur le papier, le pitch avait pourtant de quoi faire une excellente comédie.
"Plein la Vue" nous conte l'histoire de Véra (Véronique Genest), aveugle de naissance, richissime parfumeuse bernée par un entourage profitant honteusement de son handicap. Un père (Philippe Magnan) vivant à ses crochets qui vend ses toiles de maîtres et les remplace par des croûtes. Un mari (Grégoire Bonnet) lui faisant croire qu'il est mannequin alors qu'il est d'un physique tout à fait ordinaire et qui la trompe sous ses yeux... Mais un jour, une opération chirurgicale miracle donne la vue à Véra. Aidée de son chauffeur (Daniel-Jean Colloredo), seule personne ayant été honnête avec elle, l'héroïne va régler ses comptes.
Même si elle nous a paru moins improbable que son ainée et nous épargne les blagues façon "deux ânes", cette pièce du nouveau duo à succès se révèle pour le moins bancale. La dramaturgie est maladroite, les situations comiques font souvent "pschitt !" parce que mal ou pas développées, se limitant à quelques bons mots. Dans le genre "rire avec le handicap", Baffie et ses "Bonobos" sont autrement plus efficaces. L'ensemble manque également de rythme. Par ailleurs une honorable volonté de donner de la profondeur aux personnages ne parvient à son but, en devient même rapidement risible tant les ficelles sont grosses, la psychologie de comptoir, et les dialogues, dans ces moments là, d'une justesse comparable à ceux de "Plus belle la vie"...
Dans ces conditions, il s'avère bien difficile pour les comédiens, aussi talentueux soient-ils, de sauver la pièce. Véronique Genest ne démérite pas, cependant. Parfaitement dirigée par Jean-Luc Moreau, elle gomme une gouaille naturelle parfois gênante et propose un jeu plutôt subtil. A ses côtés l'excellent Philippe Magnan, dont le personnange est un copié-collé au masculin d'Amanda Lear dans "Panique au Ministère", assume dignement avec un côté pince sans rire une partition aussi excessive que faiblarde lui imposant des accoutrements ridicules , de la tenue de racaille au déguisement d'Amy Winehouse. Il fut malgré tout la cause, avouons-le, d'un ou deux fous-rires véritables. Les seuls de la représentation.
Gageons qu'il faudra donc encore quelques tentatives à Franco et Mélanie pour devenir les Barillet et Grédy du XXIème siècle. En attendant, même amateurs du genre, vous serez en droit de vous abstenir...
A la Michodière, probablement jusqu'à la fin juin.
Photo : Toussaint / Starface