Un professeur de lettres classiques du lycée Chaptal (Loys Bonod, 36 ans) se gargarise "J'ai piégé le Net pour donner une bonne leçon à mes élèves" (NB : en donnerait-il habituellement de mauvaises ? c'est toujours intéressant d'écouter l'inconscient parler ). Rien de bien palpitant, mais çà remonte quand même jusqu'au JT de France 2 et au Journal de France-Musique (long reportage).
On retrouve le piégage de Wikipédia, comme au bon vieux temps d'Assouline et de ses élèves de SciencesPo. J'ai lu récemment qu'Assouline, quatre ans après, "ne souhaite plus s'exprimer à propos de Wikipédia". Dont acte.
Et l'enseignant de se vanter d'avoir gagné la confiance des wikipédiens par quelques contributions érudites en littérature, avant d'introduire une donnée fausse dans une page pour les besoins de son "expérience". Nunquam auditur propriam turpitudinem allegans, disait un patron que j'ai connu à l'un de ses collaborateurs – sidéré – qui invoquait ses propres problèmes d'organisation. Personne n'est audible quand il fait référence à ses propres turpitudes.
La conclusion de l'article du prof de Chaptal, ce qu'il appelle pompeusement (c'est le cas de le dire) "la morale de l'histoire", c'est : "on ne profite vraiment du numérique que quand on a formé son esprit sans lui." Toujours cette même vision élitiste et hors d'époque : "Oui môssieur, moi j'ai fait mes humanités, et sans Internet".
Mais, surtout, indépendamment de Wikipédia, indépendamment de ce stratagème-là, tout ceci n'a pas grand'chose à voir avec Internet. J'ai souvenir du prof de latin (NB : moi aussi j'ai fait mes humanités ! ) qui ôtait un petit bout de phrase de Cicéron dans la version qu'il donnait à traduire. Toux ceux qui avaient le Budé sur les genoux ne manquaient pas de rendre leur copie avec le bout de phrase traduit.
J'ai fait par la suite des études scientifiques, mais je garde un souvenir ému de ce prof de français/latin/grec (lettres classiques) : M. Juhlin était son nom. RIP. Et lui n'a sans doute pas fait exprès en oubliant ce bout de phrase (c'est un élève qui le lui a fait remarquer lors de la correction orale...). O tempora, o mores, conclurai-je avec Bonod !
PS : je viens de trouver une page de chroniques elles aussi critiques du procédé de cet enseignant. Le titre original de Bonod "Comment j'ai pourri le Web" devient "Comment j'ai nourri le Web".
PS qui a (un) peu à voir : j'ai fini ce jour le
remarquable livre de F. Bon, Après le livre (Seuil 2011). J'en parlerai sur ce blog à l'occasion. Voilà une approche intéressante du numérique !