Voici une petite analogie.
--
Contexte
J'ai lu plusieurs commentaires - dans les journaux et sur les réseaux sociaux - déplorant que les Québécois (ou les gens en général) chialent tout le temps, sont négatifs, ne veulent rien payer, veulent tout gratuitement, etc. Que quand on se compare (aux pires) aux États-Unis, on devrait être content de ce qu'on a au lieu de chialer.
Je déteste ce genre de commentaire pour deux raisons. La première me semble évidente: si se comparer aux États-Unis nous permet de voir à quel point nous sommes mieux placés, alors il semble évident que nous devrions nous battre pour garder ce que l'on a et non accepter les politiques qui vont dans la direction prise par les américains. Ceci est vrai en éducation (débat actuel) ou en santé (débat sur la contribution santé), par exemple. La seconde raison c'est que la plupart de ces commentaires veulent faire croire que les gens qui s'opposent à certaines politiques sont des chialeux. Désolé, mais je maintiens que j'ai le droit d'être en désaccord avec certaines politiques, et le droit d'exprimer ce désaccord, sans passer pour un chialeux qui est contre tout et qui veut tout gratuit.
La démagogie est une faiblesse intellectuelle. J'affirme donc à ces démagogues la chose suivante:
Je suis contre le Plan Nord actuel du gouvernement Libéral. Mais non, je ne suis pas contre l'exploitation de nos ressources naturelles. Et voici pourquoi, sous la forme d'une analogie, comme je pourrais le faire si j'avais à expliquer ma position à un enfant de 10 ans.
--
Analogie de l'immeuble à appartement
Un grand oncle que vous n'avez jamais connu vous lègue un immeuble à appartement situé au coin Beaubien et St-Denis à Montréal. L'immeuble est en excellent état, comporte 14 logement loués, et rapportait annuellement 25 000 $ à votre grand oncle avant son décès.
Vous venez me consulter pour que je vous conseille sur la meilleure manière de gérer votre nouvel immeuble.
Voici ce que je vous suggère, dans mon rapport d'expert-conseil.
Recommandation: Comme vous ne connaissez rien à la gestion d'un immeuble à logement, confiez sa gestion à quelqu'un qui connaît ça. Je vous suggère quelqu'un que je connais dans ce milieu: M. Landry, par exemple. Signez un contrat avec M. Landry sur les conditions de votre entente avec lui pour la gestion de l'immeuble. Étant expert dans ce domaine, j'ai même préparé un contrat-type, qui est souvent utilisé par les gens comme M. Landry.
Conditions de l'entente: M. Landry vous paye 1 000 $ à la signature, puis 4 000 $ par an pendant 20 ans, soit la durée du contrat. Il se charge de tout: location, baux, peinture des logements, etc. Vous n'avez rien d'autre à faire que d'encaisser votre argent. À la fin du contrat, il vous redonne les clefs.
Vous trouvez que 4 000 $ par an n'est pas beaucoup? Pourtant, sur 20 ans, ça donne 80 000 $. Hier, vous n'aviez pas d'immeuble, et ce contrat vous assure d'encaisser 81 000 $, au total, sans rien faire.
Vous signez donc le contrat que j'ai recommandé, et vous me payez mes honoraires d'expert (8 000$).
--
Trouvez-vous que vous avez fait une bonne affaire?
Voyons-voir.
M. Landry encaissera les profits de 25 000 $ par an, vous versera 4 000 $, donc obtiendra un profit net de 21 000 $ par an pour s'occuper de louer et gérer l'immeuble. Il n'aura pas mis un sou dans l'immeuble, qui vous appartient, et aura payé son "droit" de signature 1 000 $. Et rien au contrat ne prévoit que l'immeuble doit vous être rendu après 20 dans son état actuel, donc il le laissera probablement décrépir en plus (il n'aura aucun incitatif à rénover le toit dans 18 ans, par exemple).
Après 20 ans, le demi-million de dollars qu'aura rapporté votre immeuble se répartira donc comme suit:
- Moi: 8 000 $.
- Vous: 73 000 $.
- M. Landry: 419 000 $.
Est-ce toujours une bonne affaire? (Si oui, pour qui?).
Ah, j'avais oublié d'inclure dans mon analyse d'expert que vu la décrépitude de l'immeuble, il vous faudrait après 20 ans investir 70 000 $ pour le remettre en état.
J'ai aussi oublié de vous dire - mais vous l'apprendrez par les médias dans quelques années - que M. Landry est mon beau-frère.
(Si vous êtes contre cette manière de faire, je vais m'assurer que vous serez publiquement connu comme quelqu'un qui est contre la gestion des immeubles et contre les immeubles à logement en général).
--
Le Plan Nord
Les ressources naturelles du Nord du Québec nous appartiennent à tous. Disons que nous en avons hérité d'un grand oncle que nous n'avons pas connu.
Le Plan Nord du gouvernement Libéral, avec ses redevances minimes (sur les profits et non sur la quantité de minerai extrait), c'est le contrat avec M. Landry.
Les compagnies privées - dont plusieurs appartiennent à des intérêts étrangers - verseront donc des sommes ridicules pour "gérer" notre minerai pour nous. L'extraire, le vendre, et encaisser des profits qui se chiffreront en dizaine de milliards de dollars. Et ils nous laisseront avec des sites vides et des routes, construites pour leur bénéfice, qui ne serviront plus à personne après leur départ (ça, c'est l'immeuble en décrépitude à la fin du contrat de mon analogie si vous me suivez toujours).
Et ces infrastructures que nous nous apprêtons à payer collectivement, c'est comme si j'ajoutais, dans mon analogie, que vous devez faire la réfection du toit de votre immeuble avant que M. Landry ne puisse en assurer sa gestion, et que ces travaux vont vous coûter 50 000 $.
--
IRIS vs SECOR.
L'Institut de Recherche et d'Information Socio-économique est un organisme apolitique, indépendant et sans but lucratif. Son étude sur Le Plan Nord tel qu'il est présenté actuellement par le gouvernement Libéral ressemble à la section "Trouvez-vous que vous avez fait une bonne affaire?" ci-haut. Il est facile d'y voir à quel point ce n'est pas rentable pour le Québec, et à quel point ça l'est (et de manière indécente) pour les compagnies privées à qui on cède la "gestion" de nos ressources par ce plan.
Mais le gouvernement préfère mettre cette étude de côté et se fier à celle de ses experts-conseils de la firme privée SECOR. Ça ne sera une surprise pour personne d'apprendre que parmi les "experts" de SECOR, on retrouve des noms comme André Caillé (ex-porte-parole des gazières dans le dossier du schiste), Philippe Couillard (ex-ministre Libéral sous Jean Charest) et qu'avant d'être Ministre des Finances, Raymond Bachand était PDG de SECOR. Jean Charest semble avoir "oublié" de nous en informer.
Car au Parti Libéral, les avis d'experts, ça se fait entre amis. Vous aurez compris que dans mon analogie, c'est "l'oubli" du beau-frère...
Hum, alors qui croire? L'institut de recherche sans but lucratif ou bien la firme dont le mandat (explicite) est d'aider les investisseurs à améliorer leur stratégie pour pénétrer les marchés (et non de conseiller les gouvernements sur la meilleure gestion des ressources collectives)?--Hydro-Nord?Si, dans les années 60-70, les gouvernements québécois avaient eu la même idéologie que celle qu'ont les Libéraux actuels, Hydro-Québec n'existerait pas, on payerait notre électricité 3-4 fois plus cher, et le gouvernement n'obtiendrait pas des millions en dividendes annuellement de la Société d'État - et devrait donc aller chercher cet argent ailleurs dans les poches des contribuables. Les gens de l'époque avaient compris que de développer l'hydro-électricité, pour que ça nous rapporte vraiment comme ressource collective - puisque les ressources nous appartiennent - , il fallait le faire nous-mêmes, et pas le sous-contracter en échange de redevances mineures sur les profits.Il est incroyable de voir que quelques décennies plus tard, les québécois ont oublié ça et ne se rendent pas compte - endormis au gaz par l'idéologie libérale ou par la démagogie qui l'accompagne - que le Parti au pouvoir donne leurs richesses.--