Ouaiiis, un album de rap français à chroniquer ! Oui, ca fait plaisir, non, on ne va pas cacher notre joie. Car il faut bien le dire, en ces temps de disette pour les amateurs de rap hexagonal, un disque de Nakk Mendosa équivaut à un oasis dans le désert musical. La Sexion d’Assaut ou Orelsuce, très peu pour nous. 1995 et leurs amis nés 10 ans trop tard sont fort sympathiques, mais on préfère toujours l’original à la copie.
Du coup il nous reste quoi ? Des projets prometteurs mais inaboutis, toute une bande d’indépendants qui finissent vite par tourner en rond, et Noir Desir de Youssoupha. Mais on a arrêté le rap « cheveu sur la langue » avec Shurik’n. Mauvais timing.
Le timing justement, une notion que Nakk a souvent eu du mal à maitriser, lui qui a mis près de quatre ans pour sortir son album après un street cd considéré comme classique par beaucoup (Street Minimum, 2006). Après Le Monde est mon Pays l’année dernière, Nakk a cette fois bien l’intention de surfer sur son succès –d’estime- et enchaîne rapidement avec une nouvelle sortie, à mi-chemin entre véritable album et mixtape où l’on fait croquer les potos. Alors qu’est-ce qui se cache derrière ce Darksun, a part un titre de merde à mi-chemin entre un épisode de Dragon Ball et une attaque Pokémon ? On a déjà de gros éléments de réponse à l’écoute de l’intro du cd, qui reprend le titre de l’album.
Darksun
_
Wow ! Petite mélodie à la guitare électrique, déluge de punchlines et syllabes qui s’entrechoquent, meilleur morceau rap fr 2012 ! Voila pourquoi on aime Nakk. Une fine alliance entre un discours intelligent, des images qui marquent et surtout une technique irréprochable. Sérieusement, Mendosa possède un des meilleurs flow de l’histoire du rap en France. Quelque chose de rare, pas un truc pompé, un vrai style à part. Alors quand dans le morceau, il n’hésite pas à remettre certaines choses à leur place, quitte à froisser une grande partie du rap game de ce pays, quelque part ça fait du bien. Et tout ça en restant humble et lucide sur sa condition. Merde, ce mec n’aurait-il aucun défaut ?
« Nan, nan j’rigole j’suis humble, j’fais meme pas Shrab/Qu’est ce que tu veux que je m’enflamme mon voisin sait même pas que j’rappe ! Oh qu’est-ce que tu crois ? Ma vie c’est pas les contes de la crypte/J’écoute de la zik, change les couches de la petite.«
Avec ce talent la pour l’écriture, le MC de Boboche aurait pu rêver d’une toute autre carrière. Mais lui qui est pourtant dans l’industrie depuis des années, ne se cherche pas d’excuses, loin des positions victimaires de certains artistes n’ayant pas le dixième de son vécu dans le rap. Il assume, reste vrai, et en subit parfois les conséquences. Qu’y a-t-il à ajouter ?
Dans ce milieu en ruines qu’est celui du rap français, Nakk a une bonne tête de chef de file. De par son talent, il semble capable de fédérer autour de lui et pourquoi pas de créer un nouvel élan pour cette musique, à l’image de Youssoupha et de sa démarche un peu similaire. C’est pourquoi il n’hésite pas à inviter plusieurs MC’s ayant la côte en ce moment, et force et de constater que les erreurs de casting sont rares.
Parmi les morceaux collectifs, on retiendra Zaggin et la performance impeccable du sage poète Dany Dan, La Sentence avec Dosseh… Mais ce sont surtout deux extraits qui marquent. D’abord le très mis en avant Invincible, track de 8 minutes regroupant un nombre de rappeurs tellement élevé qu’on a la flemme de les compter. Sur le podium des performances, Dixon, RedK (Hourrah ! un marseillais qui rappe bien !) et bien sur Lino Legend. Dommage que l’instru soit un peu trop moelleux pour qu’on adhère totalement. Le sans faute, c’est sur le morceau Les 5 Fantastiques qu’il a lieu. Cinq rappeurs nuls en comics mais forts en punchlines. On se croirait presque sur un posse cut de MMG, label de Rick Ross explicitement mentionné (et imité) par Sofiane. C’est bien plus street que invincible, c’est bien plus débile, c’est à l’américaine. On kiffe.
Les Cinq Fantastiques
_
En voila des ptis jeunes qui en veulent ! Mention spéciale à Leck et Niro, des mecs marrants, qui se prennent pas au sérieux, et qu’on a hâte d’entendre sur des albums solo (celui de Niro est prévu pour cette année et va s’appeler Paraplégique. OUI).
Tous ces featurings permettent de varier les styles et les thèmes abordés, car même si on regrette l’absence d’un pur morceau de story-telling à la Surnakkurel, comme le rappeur de Bobigny sait si bien le faire, les sujets restent plutôt variés et la redondance n’apparait que sur certaines punchlines qui se ressemblent parfois un peu. On apprécie particulièrement le morceau Juste un Rêve featuring Monseigneur Mike et un sample de Biggie, où les rappeurs sont en mode révisionnisme et réécrivent l’histoire de façon moins triste, et plus originale.
Une prise de risque lyricale qu’on ne retrouve malheureusement pas sur le choix des instrumentaux, finalement le plus gros point faible de Nakk tout au long de sa carrière. Pas mal d’instrus Bangers, d’inspiration US, mais peu de vraies réussites. Aucun morceau n’est inécoutable, mais beaucoup de choses sonnent pareil. Dans ce registre, Madmax produit par Therapy reste la valeur la plus sure. Morceau dangereux, rappeur venér, heavy rotation.
Madmax
_
A part ce bémol au niveau des productions, Darksun est donc un très bon projet, que l’on a envie d’encourager tant la démarche autour de cette sortie fait plaisir à voir. On en oublie les quelques fausses notes pour ne retenir que les phases les plus marquantes («un peu d’autotune j’me fait tuer par mes fans, John Lennon », « le temps que tu te tapes une MILF, t’auras son âge »…). Et pour finir en beauté, quoi de mieux qu’un morceau avec Despo Rutti aka le messi(e) du rap céfran, qui même s’il ne sort pas son meilleur couplet, nous laisse avec un beau Mindfuck dont il a le secret.
« On sort tous d’une femme, elles méritent pas toutes ces insultes, jle dit et j’assume les mysogynes sont des ingrats […] Votez DSK, il est pas raciste ! »
NOTE
_
_