Entre attaques sous la ceinture et pseudo-révélations, passons en revue les boules puantes qui ont fait les choux gras de la presse sénégalaise pendant l’entre-deux tours. Une campagne qui a trop souvent sombré dans le caniveau.
Cette image a fait le tour du web sénégalais et a même été reprise par des sites d'informations. On y voit une vieille photo d'Abdoulaye Wade et de sa femme Viviane. Elle révélerait l'appartenance de Wade à une loge maçonnique en raison du collier qu'il porte autour du cou. Il n'existe aucune information sur la provenance et la date du cliché.
Au lendemain du premier tour, le 23 février dernier, le camp Wade a dégainé le premier pour justifier les faibles scores du président sortant dans certaines régions. Aminata Lo Dieng, sa ministre de la Solidarité, a accusé Macky Sall d’avoir bénéficié d’un « vote ethnique », celui des Haalpulaar ( Peuls), deuxième groupe ethnique du Sénégal après les Wolofs. Macky Sall lui a aussitôt renvoyé la balle en évoquant sa campagne commune, avec Abdoulaye Wade, en 2007. Il affirme en effet que lors d’une tournée au Fouta (région du nord, peuplée à majorité par des Peuls) son ancien mentor et allié l’avait alors félicité d’être un « fils du terroir ». Une qualité qui semble aujourd’hui devenue un défaut… Bref, ce débat a réveillé un vieux démon sénégalais : l’instrumentalisation politique des ethnies et le « péril peul ».
Après les ethnies, les marabouts, un sujet brûlant au Sénégal. Dans un discours mi-mars, Macky Sall a déclaré vouloir traiter les marabouts comme des « citoyens ordinaires ». Levée de boucliers chez l’adversaire. Pour Wade, soutenu officiellement par Cheikh Béthio Thioune, l’un des chefs religieux des Mourides, l’occasion était trop bonne d’accuser son ancien dauphin d’être à la solde… des Francs-maçons (considérés par certains imams comme des “disciples de Satan”). Bien sûr, Macky Sall a démenti et revendiqué sa croyance en Allah. Un de ses soutiens, l’avocat El Hadji Diouf, a retourné l’attaque contre le président sortant. « Franc-maçon un jour, Franc-maçon pour toujours », a-t-il rétorqué, rappelant le passé maçonnique du “Vieux” et son monument de la Renaissance, une œuvre maçonnique selon certains.
La proposition de Macky Sall de gérer de façon “moderne et responsable” l’homosexualité, un autre sujet tabou au Sénégal, a continué de régaler le camp Wade. Très vite, le candidat de l’APR (Alliance pour la république) est accusé de rouler pour des lobbies gays. La presse nationale affirme même que les partisans de Fal 2012 (coalition de Wade) iraient jusqu’à payer des homosexuels pour qu’ils investissent les meetings de Sall et brandissent des banderoles « Les homosexuels soutiennent Macky ».
Boule puante contre boule puante. De nouveau, les alliés de Sall contre-attaquent, par la voix menaçante de l’avocat El Hadji Diouf : « Les vrais homosexuels sont à l’avenue Léopold Senghor [où se situent les sièges du gouvernement et de l’Assemblée nationale]. Et s’ils ne font pas attention, nous allons donner des noms ». Un autre lieutenant de Macky, Jean-Paul Diaz, va plus loin : «Il n’y a que Abdoulaye Wade qui a un fils ayant perdu sa femme et qui refuse d’en prendre une autre, alors qu’il a volé suffisamment de milliards pour prendre quatre femmes. Essayez de voir ce qui se cache derrière ».
Quelques jours avant le vote, la campagne a définitivement atteint son niveau le plus bas. Mardi, lors d’une émission radio populaire, le politique Ahmed Khalifa Niasse, proche de Wade, a lâché sans vergogne « Macky Sall a une deuxième femme. Et je mets au défi quiconque essaierait de le nier ».
Demain, les citoyens sénégalais sont appelés aux urnes pour élire leur prochain président. Espérons qu’ils auront su aller au-delà de ces accusations sordides pour s’intéresser aux programmes des candidats.