il y a vraiment des choses qui se passent quand on est ensemble

Publié le 24 mars 2012 par Desfraises

La coccinelle à Montmartre, le fraisier causant avec le pissenlit, le récit qui suit, tout est rigoureusement vrai. 
J'ai troqué ma sacro-sainte grasse matinée du samedi contre une promenade dans Paris. Contre un cinq à sept de huit à dix. Exit l'humeur ours des cavernes que j'arbore généralement le week-end. Le cœur léger, j'arpente Montmartre. Je photographie le photographe qui photographie les immeubles sur lesquels j'ai longtemps lorgné. Je cherche une terrasse au soleil où continuer la lecture d'un ouvrage que m'a offert une cliente. Avant de me poser au soleil rue Lepic, j'ai trouvé une vieille valise en cuir encore potable dans laquelle je range blouson, pull, écharpe blanche. Je lis distraitement les pages écornées évoquant signes et chemins qu'empruntent nos existences. J'écoute mes voisins de tablée. Main dans la main sur la table en mosaïque, l'homme dit à la femme : il y a vraiment des choses qui se passent quand on est ensemble.
J'étais amoureux cinq minutes d'un bel Italien vivant à Bologne, Giulio. Cinq minutes. Huit jours. Il achète son billet d'avion afin que nous nous rencontrions. Nous échangeons des mots doux, de longues discussions. Je craque pour son sourire d'ange. Puis il prend ses distances. Je lui écris une lettre : nous pouvons être amis, amants, amoureux, ce qu'il veut. Nous pouvons aussi bien ne jamais nous rencontrer. Tu dis, tu choisis. Il ne veut pas d'une histoire à distance. Il est très occupé. Déjà amoureux d'un autre. Etc. Je digère la nouvelle, me fustige, m'en veux de m'éprendre du premier venu. Ça ne devait pas être. C'est tout.
Il était dit que je ne profiterai pas longtemps de cette terrasse ensoleillée. La serveuse encaisse mon café allongé. Et revient dresser la table pour le déjeuner. Je ne déjeune pas, lui dis-je. Elle sait mais elle doit dresser la table. Deux minutes, lui dis-je. Vous avez deux minutes, non ? Je vais salir votre jolie nappe en papier. Avec votre livre ? riposte-t-elle, ça m'étonnerait. Je baisse les armes, l'envoie promener et descend la rue Lepic, croisant la faune locale, mélange de gueules cassées, de vrais-faux nantis, de vieux et de vieilles jouant des coudes, des cannes et du caddie. Et soudain je vois arriver vers moi, le pas déterminé, le bel Italien dont j'étais amoureux cinq minutes, huit jours. Giulio. Mes yeux manquent tomber de leurs orbites. Nous avions tiré un trait sur la rencontre. Le hasard a voulu que nous nous rencontrions malgré tout.  Un court instant quelque part à Paris. Une étreinte et un baiser plus tard, je le laisse à ses amies, lui souhaite un doux séjour et enfourche un vélo, stupéfait et souriant aux lampadaires.